Ni buts ni soumises » Au pied de la montagne

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Au pied de la montagne

C’était annoncé depuis le tirage au sort, cela aura lieu : la France va rencontrer l’Allemagne en quart de finale de Coupe du monde vendredi à Montréal. Cela l’oblige a être plus qu’à son meilleur pour « faire aussi bien » qu’il y a quatre ans.

Ce n’est pas une exagération que de dire que la France ne réussit pas face à l’Allemagne, quelle que soit la catégorie. Mais l’équipe actuelle semble avoir franchi un palier qui lui permet de croire réellement qu’elle pourra disputer la victoire.

Les choses étaient claires dès le tirage au sort1 : la France et l’Allemagne étaient programmées pour se rencontrer dès les quarts de finales de la Coupe du monde. On pourrait se placer du point de vue allemand où la marche vers la victoire semble vouloir donner raison au lieu commun qui dit que « pour remporter le titre, il faut battre toutes les meilleures ». Après la Suède (5e nation mondiale), il lui faut affronter la France (3e), avant sans doute de rencontrer les États-Unis (2e) puis peut-être le Japon (4e).

On se placera cependant du point de vue d’en face.

Philippe Bergerôo le raconte lui-même, il avait trois objectifs durant cette campagne : participer à la Coupe du monde, aux Jeux Olympiques et intégrer des jeunes joueuses. Depuis la défaite de la Norvège face l’Angleterre, les trois sont remplies puisque la sélection compte un tiers de joueuses de moins de 25 ans, dont trois de 20 ans.

Marie-Laure Delie

Marie-Laure Delie

Une analyse objective de la situation lui donne plutôt raison. La France est désormais troisième nation mondiale et les deux derniers matchs indiquent qu’elle est désormais capable de manifester cette supériorité dans les matchs couperets, ce qu’elle avait jusque là du mal à faire contre le Danemark ou les Pays-Bas.

On placera l’accroc colombien sur le compte d’un mélange d’excès de confiance et de préparation pas encore digérée2. Rien ne permettra jamais de le savoir, mais il est peu probable que la France aurait été freinée avant les demi-finales avec un tableau comme celui de l’Angleterre.

Obligées de battre les meilleures du monde

Deux équipes seulement semblent actuellement avoir l’avantage sur les Bleues3. Malheureusement il s’agit de l’équipe qu’elle va rencontrer en quarts de finale, et de celle qu’elle rencontrerait en demi-finales le cas échéant.

Cela Philippe Bergerôo le sait bien. Quelle que soit la progression de son équipe, ce qui sera retenu sera le résultat final de la compétition. Et Bruno Bini ayant beaucoup été brocardé pour son incapacité à remporter des titres, son successeur ne doit pas s’attendre à des éloges s’il ne va « que » jusqu’en quarts de finales.

Pourtant, le parcours et les adversaires rencontrés ont bien sûr une influence majeure sur le résultat final. En 2011, l’élimination par les États-Unis et même la perte de la troisième place contre la Suède correspondaient à la logique. L’élimination par le Japon en 2012 à Londres le pouvait aussi, au contraire du match pour le Bronze perdue contre une équipe du Canada moins forte.

Mais de même qu’un quart perdu contre les Pays-Bas en 2009 avait pu passer pour « la meilleure performance de l’histoire de l’équipe de France », un quart perdu contre l’Allemagne en 2015 sera perçu comme un coup d’arrêt. Il faut donc battre l’Allemagne.

Une histoire à sens unique

L’équipe de France a réalisé cette performance en octobre dernier à Offenbach. Ce n’était pas la première fois. La dernière victoire de l’Allemagne sur la France en match amical date de 1999. Depuis il y a eu deux nuls et trois victoires françaises. Mais dès que ça compte, qu’il s’agit d’un match officiel, le résultat s’inverse. Les trois confrontations ont fini sur les scores de 3-0, 5-1 et 4-2. La première avait pour cadre l’Euro 2005. Sarah Bouhaddi, Laura Georges, Camille Abily et Louisa Necib étaient déjà opposées à Anja Mittag (Nadine Angerer, Élodie Thomis et Élise Bussaglia étant sur le banc). L’Allemagne était déjà qualifiée pour les demis-finales et la France espérait une victoire ou un nul, ou en cas de défaite, garder au moins en partie les trois buts d’avance sur la Norvège qui affrontait l’Italie. On pouvait croire à la qualification jusqu’à la 72e minute où Inka Grings ouvrait le score. À ce moment là, la Norvège menait 5-3 (ce qui sera le score final) et était qualifiée au nombre de buts marqués. Il fallait donc attaquer pour égaliser. Le résultat ne se faisait pas attendre : Renate Lingor puis Sandra Minnert alourdissaient le score.

Anja Mittag, meilleure buteuse actuelle de la compétition.

Anja Mittag, meilleure buteuse actuelle de la compétition.

Quatre ans plus tard, le match avait moins d’enjeu : il s’agissait du deuxième match de poule, les deux équipes avaient remporté le premier et trois équipes sur quatre pouvaient se qualifier. Au bout d’un quart d’heure, il y avait déjà 2-0 grâce à Inka Grings et Annike Krahn. 3-0 à la pause par Melanie Behringer et 4-0 sur un pénalty de Linda Bresonik juste à la reprise, Gaëtane Thiney parvenait simplement à sauver l’honneur avant un but dans les arrêts de jeu de Simone Laudehr.

Aux joueuses de 2005 étaient venues s’ajouter Gaëtane Thiney et Eugénie Le Sommer côté français, Bianca Schmidt, Annike Krahn, Babett Peter, Saskia Bartusiak, Melanie Behringer, Simone Laudehr et Celia Sasic (sous le nom d’Okoyino Da Mbabi) côté allemand.

Enfin, en 2011 le match n’avait comme seul enjeu de finir en tête du groupe pour affronter le second du groupe B, le Japon plutôt que l’Angleterre4.

Le match était disputé, dominé par l’Allemagne qui menait vite 2-0 grâce à Kerstin Garefrekes et Inka Grings, la France revenait à l’heure de jeu à 2-1 sur un coup de tête de Marie-Laure Delie, mais Fatmire Alushi (alors Bajramaj) obtenait un pénalty converti par Inka Grings et l’expulsion de Bérangère Sapowicz, Laura Georges d’un autre coup de tête laissait la France à portée avant un dernier but de Célia Sasic.

Marie-Laure Delie, Laure Boulleau et Wendie Renard s’ajoutaient aux Bleues de 2009, Alexandra Popp et Lena Goeßling aux Allemandes.

L’historique est donc largement à l’avantage de l’Allemagne et comme il est assez récent, il reste des joueuses des deux camps pour s’en souvenir. Et encore, Inka Grings n’est plus là.

Les Bleuettes n’ont plus de complexe

Et si 12 des 23 Bleues ont déjà rencontré l’Allemagne, la multiplication des compétitions de jeunes et la constance au haut niveau de la formation des deux côtés du Rhin fait que la plupart des joueuses des deux camps ont déjà eu l’occasion de se rencontrer plusieurs fois avant d’arriver en équipe A. Seules Sabrina Delannoy (les deux équipes s’étant évité lors de l’Euro 2005 M19), Kenza Dali et Amel Majri (encore tunisienne à l’époque des sélections de jeunes) n’ont encore jamais rencontré l’Allemagne dans une phase finale.

Pour quasiment toutes les autres ce sont de mauvais souvenirs. En une quinzaine de confrontations, il faut chercher pour trouver la trace d’une victoire. On n’en trouvera qu’une seule.
Sur la route vers leur victoire à l’Euro 2013 M19, les Bleuettes ont battu l’Allemagne 2-1 à Llanelli grâce à une doublé de Kadidiatou Diani marqué en trois minutes. Pauline Bremer a réduit le score dans les arrêts de jeu. La capitaine Griedge Mbock et Claire Lavogez font aussi partie de cette équipe unique qui connaît le goût de la victoire contre l’Allemagne.

Kadidiatou Diani

Kadidiatou Diani

Deux ans plus tôt, la même génération avait déjà éliminé en demi-finale de l’Euro M17 l’Allemagne de Melanie Leupolz, Sarah Däbritz et Lena Petermann. Claire Lavogez et Lydia Belkacemi avaient successivement répondu à Lina Magull et Annabel Jäger pour permettre aux Bleuettes de s’imposer finalement aux tirs aux buts.

Enfin, en 2010, la France d’Anaig Butel éliminait également l’Allemagne d’Almuth Schulth et Leonie Maier aux tirs aux buts en demi-finale de l’Euro M19.

Bref on ne se remonte pas le moral en convoquant les résultats des sélections de jeunes où on ne trouve péniblement qu’une victoire et deux séances de tirs aux buts remportés pour une ou deux confrontations par an depuis plus de dix ans.

L’année dernière à Montréal

La dernière rencontre officielle date à peu près exactement d’un an. Elle avait déjà pour cadre le Stade Olympique de Montréal. Après avoir battu déjà à Montréal (et aux tirs aux buts) la Corée du Sud en quart de finale de la Coupe du monde M20, la France de Griedge Mbock, Claire Lavogez et Kadidiatou Diani était opposée en demi-finale à l’Allemagne de Sarah Däbritz, Pauline Bremer et Lena Petermann. La joueuse de Potsdam ouvrait le score rapidement puis les Bleuettes dominaient copieusement (22 tirs à 5 à la fin du match). Griedge Mbock égalisait juste avant la mi-temps en reprenant un corner de Claire Lavogez. Mais sur sa seule occasion de la deuxième période, Lena Petermann envoyait l’Allemagne en finale.

Lena Petermann

Lena Petermann

Trois joueuses de chaque équipe sont présentes un an plus tard, avec un rôle moins important puisque si toutes ont déjà joué sauf Griedge Mbock, aucune n’a eu un rôle important. Bien sûr Lena Petermann et Sara Däbritz ont chacune marqué deux buts, la seconde jouant même tout le match contre la Thaïlande mais cela traduit surtout la rotation effectuée par Silvia Neid contre les faibles Côte d’Ivoire et Thaïlande. Aucune des trois n’a joué contre la Suède malgré le score, et contre la Norvège, Sarah Däbritz a eu droit à 20 minutes et Pauline Bremer à 10.

Cela se rapproche des 30 minutes jouées lors des deux premiers matchs par Claire Lavogez et des 6 minutes offertes en fin de match contre la Corée à Kadidiatou Diani.

Des équipes types rodées

On peut donc prévoir que ce quart sera l’affaire de joueuses plus expérimentées.

On connaît déjà avec très peu d’incertitude l’équipe qu’alignera Philippe Bergerôo. Ce sera la même que contre la Corée du Sud, avec peut-être le retour de Gaëtane Thiney mais les deux derniers matchs de Marie-Laure Delie ne plaident pas pour ce changement.

Silvia Neid ne devrait pas réserver beaucoup plus de surprises dans sa composition d’équipe. Bien sûr elle a déjà employé l’ensemble de ses joueuses de champ, comme seuls l’ont fait Mark Sampson pour l’Angleterre et Norio Sasaki pour le Japon (ce dernier ayant même titularisé 20 de ses 23 joueuses et ses trois gardiennes). Mais l’équipe aligné pour le troisième match face à la Thaïlande était en grande partie l’équipe des remplaçantes avec six joueuses qui ne seront plus titulaire sauf blessure ou suspension.

Qui pour remplacer Saskia Bartusiak ?

Saskia Bartusiak est justement suspendue après le carton jaune qu’elle a reçu contre la Suède. La place de défenseuse centrale à côté d’Annike Krahn et devant Nadine Angerer est donc à prendre. Ce n’est sans doute pas vraiment une bonne nouvelle pour les Bleues. La joueuse de Francfort a manqué à peu près toute la saison suite à une blessure au genou et n’est revenue que pour les derniers matchs de la saison avec une seule titularisation lors de la dernière journée, à tel point que Colin Bell a préféré ne pas l’aligner pour la finale de Ligue des Championnes contre le PSG. Clairement en manque de rythme et de vitesse, elle doit sa place de titulaire à la fidélité de Silvia Neid envers ses cadres. Avec Annike Krahn, elle forme une charnière certes très bien placée et expérimentée mais en difficulté face à des adversaires rapides.

Pour la remplacer on aurait pu s’attendre à voir Josephine Henning, dont la saison n’a pas non plus été épargnée par les blessures. Mais en dehors des gardiennes et des jeunes Lena Petermann et Pauline Bremer, elle est la seule joueuse allemande à ne pas avoir été titularisée. Lors de la rotation contre la Thaïlande, c’est Babett Peter qui remplaçait Saskia Bartusiak et elle n’est entrée qu’à une demi-heure de la fin à la place d’Annike Krahn pour ses seules minutes de la compétition à l’heure actuelle. On peut donc prévoir que c’est encore la joueuse de Wolfsbourg qui sera alignée contre la France.

Dzsenifer Marozsan ou Melanie Leupolz ?

Sur les côtés, Tabea Kemme et Leonie Maier devraient être de la partie derrière, tout comme Alexandra Popp et Simone Laudehr devant. Celia Sasic en pointe et Anja Mittag en soutien ne font pas non plus de débat.

Il ne reste finalement d’incertitude dans cette équipe que celle de la joueuse qui accompagnera la meilleure joueuse de la sélection Lena Goeßling, orpheline de Nadine Keßler au milieu. Mais il ne s’agira pas d’un choix par défaut. La place se dispute entre Dzsenifer Marozsan qui à 23 ans est annoncé depuis longtemps comme la future star allemande et Melanie Leupolz, joueuse de l’année en Bundesliga à seulement 21 ans. Contre la Thaïlande, Silvia Neid avait aligné les deux, la joueuse de Francfort prenant la place d’Anja Mittag dans l’axe derrière Célia Sasic. Contre la Suède, c’est la joueuse du Bayern qui était titulaire mais blessée, elle avait laissé sa place à sa concurrente pour le match face à la Norvège. Dans les deux cas, la bataille sera rude avec la paire Camille Abily-Amandine Henry.

En octobre, les deux joueuses avaient joué une mi-temps mais Lena Goeßling était absente et c’est Melanie Behringer qui avait joué tout le match. Côté Bleues, Amandine Henry légèrement touchée était restée sur le banc et Camille Abily était sortie blessée au bout de 13 minutes, la paire de milieu se composant donc de Kheira Hamraoui et Élise Bussaglia.

La confrontation de ces deux milieux sera l’un des enjeux du match, tout comme la résistance des deux défenses. Pour l’instant, aucune des deux n’a présenté de vrais gages de sécurité. Chacune n’a encaissé que deux buts mais sans avoir vraiment été éprouvée.

Les deux équipes ayant des schémas à peu près similaires, on devrait voir aussi des oppositions deux à deux : Tabea Kemme et Alexandra Popp auront à s’occuper d’Élodie Thomis. Jessica Houara aura sans doute un rôle à jouer pour profiter d’une éventuelle prise à deux. Et de l’autre côté, il faudra que Louisa Necib force Leonie Maier à défendre sur elle voire à la suivre dans l’axe mais aussi éviter que Simone Laudehr n’oblige Laure Boulleau à ne faire que défendre.



2 commentaires pour “Au pied de la montagne”

  1. Belle présentation! Mais c’est l’Allemagne qui a gagné. Aux TAB, mais victoire quand même. J’attends donc votre article pour nous éclairer sur cette élimination.

  2. Les allemandes n’ont pas gagné puisque c’est une main française qui les qualifie. Le niveau de jeu des françaises largement égal à la machine Teutone va devoir se maintenir vu que le niveau général des équipes va se resserrer dans les prochaines années et rendre plus ardue les compétitions.

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