Ni buts ni soumises » Juvisy et Lyon, des amis de 20 ans

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Juvisy et Lyon, des amis de 20 ans

À quelques jours du match au sommet du championnat de France de D1, retour sur l’histoire commune des équipes de Lyon et de Juvisy pour voir que l’antagonisme ne date pas d’hier et que le costume du patron n’a pas toujours été sur les mêmes épaules.

Suivant les points de vue, on a les sombres forces de l’argent contre les valeurs morales, ou l’amateurisme archaïque contre le moteur du développement du football féminin.

Tandis que les mots doux fleurissent entre Patrice Lair et Marie-Christine Terroni, respectivement entraîneur de l’un et présidente de l’autre, la réalité de l’opposition entre Lyon et Juvisy est sans doute plus nuancée.

Une domination partagée dans les années 90

Lors de la saison 1991, le FC Lyon de Marie-Christine Umdenstock remporte son premier titre de champion de France aux tirs aux buts, mettant fin à la suprématie de sa victime du jour, la VGA Saint-Maur qui venait de remporter 6 titres sur les 8 derniers et qui avait atteint la finale en battant les voisines de Juvisy en demi-finales.
La saison suivante, le Juvisy d’Aline Riera, Hélène Hillion et Sandrine Fusier ouvre à son tour son palmarès contre Saint-Brieuc.

En 1992, le championnat se joue pour la première fois sous la forme d’une poule unique et couronne l’équipe Lyonnaise emmenée par la fabuleuse joueuse russe Irine Grigorieva, devant le FCF Juvisy. Suit une alternance de titres entre les deux équipes jusqu’au début de la domination du Toulouse OAC en 1999 : quatre titres chacun en huit saisons.

À partir de la saison 2000, le championnat se termine par un « tournoi final » opposant les quatre premières de la saison en matchs aller sans retour. En 2001 et 2002, si c’est Toulouse qui est sacré, c’est Juvisy qui avait remporté la saison régulière.

Juvisy prend sa revanche en 2003 en remportant le titre, tout en ayant été devancé par Toulouse en phase régulière. Un peu en retrait, le FC Lyon a malgré tout réussi à être présent à toutes les éditions du tournoi final.

Autant dire que quand le FCF Lyon devient l’Olympique Lyonnais lors de l’été 2004, Juvisy et Lyon ont déjà un long passé commun et sont les deux meilleures équipes des quinze dernières années même si elles sont rattrapées par Toulouse et Montpellier.

Juvisy-Lyon, quelques confrontations

Tournoi final de D1 2003-2004 – 2e journée – Lyon-Juvisy 3-2

Le 6 juin 2004, le FCF Lyon accueille le FCF Juvisy champion en titre pour la deuxième journée du tournoi final. Les deux équipes ont fini 3e et 4e de la saison régulière mais ont remporté leur premier matchs contre les favorites de Toulouse et Montpellier. Lyon peut même remporter son 5e titre en cas de victoire si pendant ce temps Toulouse et Montpellier font match nul.

Les coéquipières de Cécile Locatelli dominent le match et mènent 3-0 à l’heure de jeu grâce à un doublé – déjà – de Sandrine Brétigny et un but de Claire Morel. Mais Laetitia Tonazzi – déjà – relance le match d’un doublé dans les dernières minutes. Pour Lyon il ne fallait pas que le match dure plus longtemps.

William Morice/Le Moustic Production

Photos : William Morice/Le Moustic Production

Il n’aurait d’ailleurs pas fallu que l’autre match de la journée dure aussi longtemps : une fois le match fini à Gerland, les téléphones chauffent pour connaître le résultat de Toulouse- Montpellier. On joue les arrêts de jeu, il y a toujours 0-0, Lyon est champion. Mais un but de Ludivine Diguelman laisse Montpellier dans la course, qui remportera le titre la semaine suivante.

Ce que l’on ne sait pas encore, c’est que le FCF Lyon deviendra l’OL au cours de l’été et qu’il s’agissait là de son dernier match à domicile et de sa dernière victoire. Pour l’anecdote, les Lyonnaises portaient bien ce jour là un short siglé « Olympique Lyonnais », mais il s’agissait juste d’un achat à la boutique située à quelques centaines de mètres.

Championnat de France de D1 2004-2005 – 16e journée – Lyon-Juvisy 3-0

La saison suivante, Juvisy et Montpellier sont au coude à coude pour le titre au début de cette 16e journée. Juvisy a commencé à bâtir l’invincible armada qui écrasera tout sur son passage la saison suivante en faisant revenir des États-Unis Marinette Pichon et Stéphanie Mugneret-Béghé.

L’arrivée de l’OL s’est faite sur la pointe des pieds avec un effectif inchangé mais lors de la trêve hivernale le club frappe un grand coup en engageant 5 internationales américaines : Hope Solo, Danielle Slaton, Lorrie Fair, Aly Wagner et Christie Welsh. Pour se faire une idée de l’événement, il faut imaginer le FC Bruges engageant Pepe Reina, Sergio Ramos, Cesc Fabregas, Juan Mata et Fernando Torres.

Lyon devient du coup largement favori pour la fin du championnat, mais le retard est tel que le titre est à peu près déjà perdu. D’autant plus que la semaine précédente, l’OL n’a pu aligner que Hope Solo et Christie Welsh (les autres recrues n’étant pas qualifiées) contre Montpellier et a perdu 1-0.

Le Lyon-Juvisy du 6 février 2005 est donc le premier match de l’Olympique d’Amérique. Sur le terrain, Juvisy est balayé comme il ne l’a jamais été, Aly Wagner éblouit les 600 spectateurs présents (grosse affluence pour l’époque).

Juvisy ne digérera jamais vraiment cette défaite qui lui coûte le titre et qui est d’autant plus vécue comme une injustice que Montpellier n’a pas eu à affronter les recrues américaines de l’OL. Mais il prendra sa revanche en finale du Challenge de France aux tirs aux buts.

L’aventure américaine de l’OL sera éphémère : Aly Wagner ne jouera au total que 3 matchs et toutes repartiront en fin de saison après une ultime défaite dans un match sans enjeu contre le CNFE : 5-1 avec un quadruplé d’Élodie Thomis et un but de Louisa Necib.

Championnat de France de D1 2005-2006 – 19e journée – Juvisy-Lyon 4-0

Un an plus tard, l’OL est revenu à l’ordinaire malgré le recrutement de trois joueuses sud-américaines (dont Shirley Cruz et Simone Gomes Jatoba, moins clinquantes mais plus utiles dans la durée) et émarge à 25 points de son adversaire du jour.

Il faut dire que Juvisy s’est fabriqué une équipe d’internationales avec les arrivées d’Anne-Laure Casseleux et d’Amélie Coquet qui viennent d’ajouter aux Sandrine Capy, Nelly Guilbert, Élise Bussaglia, Alexandra Guiné, Peggy Provost, Sandrine Soubeyrand, Marinette Pichon et Laetita Tonazzi.

18 victoires en 18 matchs, 12 points d’avances sur Montpellier, Juvisy survole le championnat. La partie s’annonce déséquilibrée et Juvisy prend sans surprise une revanche éclatante sur la saison précédente. La Brésilienne Simone marque contre son camp en début de match avant que les inévitables Laetitia Tonazzi (deux fois) et Marinette Pichon ne donnent plus d’ampleur à la victoire en deuxième mi-temps.

Juvisy ne concédera finalement qu’une défaite lors de la journée suivante contre Montpellier et remportera cette saison là son 6e titre, égalant le record de la VGA Saint-Maur. Marinette Pichon aura marqué 36 buts en 22 journées, soit deux de moins que la saison précédente.

Championnat de France de D1 2006-2007 – 2e journée – Lyon-Juvisy 0-1

Pour conserver son titre et disputer la Coupe d’Europe, Juvisy est allé chercher la jeune gardienne internationale du TFC Sarah Bouhaddi. Mais l’OL a décidé qu’il était temps de commencer à gagner et que cela passait par le recrutement de joueuses habituées aux joutes de la D1. Comme quelques années plus tôt, Montpellier était allé chercher Sonia Bompastor, Camille Abily et Hoda Lattaf à la Roche et que cela lui avait réussi (deux titres remportés), l’OL les fait venir à son tour ainsi que Laure Lepailleur.

L’effectif de Lyon rivalise désormais avec celui de Juvisy. Mais en ce début de saison, l’expérience est encore du côté noir et blanc. Et comme souvent, c’est Laetitia Tonazzi qui donne la victoire à son équipe dans ce match à enjeu, d’une frappe de 25 mètres.

Cette défaite sera la dernière de l’OL jusqu’à une défaite contre Duisbourg au printemps 2009, et en championnat l’invincibilité durera plus de trois ans (et 70 matchs) jusqu’au 15 novembre 2009 et une défaite 3-1 à Hénin-Beaumont.

Championnat de France de D1 2006-2007 – 12e journée – Juvisy-Lyon 1-2

Lors du match retour, Lyon est monté en puissance et ne compte que deux points de retard sur Juvisy. Bien qu’il reste une dizaine de journée et que Montpellier soit en embuscade, on sent que ce match sera décisif pour le titre. Une victoire de Juvisy et le titre sera quasiment en poche, une victoire de Lyon et on commencera à changer d’ère.

Simone ouvre rapidement la marque mais Juvisy n’a pas le temps de douter grâce à Marinette Pichon qui égalise. En deuxième mi-temps, Lyon accentue la pression et c’est Sandrine Brétigny entrée à l’heure de jeu qui donne la victoire à l’OL et lui permet de prendre la tête du championnat. Cette saison là, elle réussira même à battre le record de Marinette Pichon en marquant 42 buts en 21 matchs joués.

Championnat de France de D1 2007-2008 – 20e journée – Juvisy-Lyon 1-1

Lors de la saison 2007-2008, les oppositions entre les deux clubs ne sont pas inoubliables par le jeu développé mais par des événements liés.

Au match aller, Juvisy dépose un recours sur la qualification de la gardienne Émeline Mainguy. Véronique Pons blessée et Alexandra Muci ayant joué avec la réserve, il n’y a pas de gardienne disponible. C’est donc Océane Caïraty qui joue gardienne « parce que c’est la plus grande disponible », alors qu’elle n’avait jamais enfilé les gants jusque là. S’en suit un triste 0-0 où les lyonnaises cherchent surtout à jouer le plus loin possible de leur but.

Au match retour, l’OL qui s’est encore renforcé cette saison là (arrivée de Laura Georges, Élodie Thomis, Louisa Necib tandis que Juvisy perdait Marinette Pichon) compte 7 points d’avance sur Juvisy. Un nul suffit donc pour assurer le titre. À l’issue d’un match tendu et pauvre en occasions, Hoda Lattaf répond à Amélie Coquet et permet à l’OL de remporter son 2e titre, le 6e si l’on compte ceux du FC Lyon, soit autant que Juvisy.

Championnat de France de D1 2009-2010 – 6e journée – Lyon-Juvisy 6-1

Lyon et Juvisy ne sont plus réellement des concurrentes directes pour le titre mais les oppositions restent assez serrées, malgré une victoire 4-1 de l’OL à Juvisy en 2008-2009.

Le 8 novembre 2009, Lyon accueille Juvisy au stade de Gerland qui reçoit là une de ses premiers match de première division féminine. Fait exceptionnel, ce n’est pas Juvisy qui est le concurrent direct de l’OL, ni même Montpellier mais le PSG qui a réussi le gros coup de faire revenir Camille Abily et Sonia Bompastor des États-Unis pour une demi-saison durant laquelle l’équipe parisienne sera la meilleure du championnat.

Du côté de Lyon, on sait que le PSG marquera le pas en deuxième partie de saison, mais il ne faut pas se laisser distancer et donc ne pas perdre de points contre Juvisy, qui de son côté cherche à accrocher la deuxième place nouvellement qualificative pour la Coupe d’Europe.

Des triplés de Lotta Schelin et de Katia vont torpiller les ambitions juvisiennes et infliger au club de l’Essonne la plus lourde défaite de son histoire, un score qu’il est plus habitué à donner qu’à recevoir. En l’absence de Laetitia Tonazzi, c’est Virginie Bourdille-Mendes qui sauvera l’honneur.

La saison suivante, l’OL marquera même un but de plus, montrant l’écart qui se creuse entre les deux clubs.

Championnat de France de D1 2009-2010 – 16e journée – Juvisy-Lyon 2-0

Entre temps Juvisy aura malgré tout eu l’occasion de montrer que le petit peut encore manger le gros.

Lyon vit une saison 2010 paradoxale qui l’emmènera en finale de Coupe d’Europe, perdue aux tirs aux buts contre Potsdam mais avec une qualité de jeu plus que suspecte et une défaite 3-1 à Hénin-Beaumont, pas un adversaire direct loin de là.

Eric Baledent (Le Moustic Production)

Photos : Eric Baledent (Le Moustic Production)

Juvisy n’a plus les mêmes moyens mais reste à portée du PSG pour la deuxième place et compte bien prendre sa revanche sur la claque de l’aller.

Dans une deuxième mi-temps de feu, Laetitia Tonazzi (encore elle) et Julie Machart font subir à l’OL sa deuxième défaite de la saison (la dernière en date).

Profitant de cet élan, Juvisy battra le PSG et lui ravira la place en Coupe d’Europe.

La saison dernière, Lyon a facilement remporté les deux confrontations en championnat (3-1 et 7-1) mais la qualification de Juvisy en quart de finales du Challenge de France est venue rappeler que sur un match, l’écart n’était pas si grand.



3 commentaires pour “Juvisy et Lyon, des amis de 20 ans”

  1. Merde Hope Solo a joué à Lyon et on me l’a pas dit à l’époque !!!! :o)

  2. Très intéressant, mais juste une question :

    pour le match de la 20ème journée 2007-2008, il est dit que l’OL s’est renforcé avec Louisa Necib et Elodie Thomis.
    Mais, plus haut, en 2004-2005, il est dit que ces 2 joueuses ont marqué lors de la victoire 5-1.

    Elles sont parties entre temps, ou c’est une erreur de transcription ?

  3. Ni l’un ni l’autre : le match cité (le dernier des Américaines à Lyon) est une défaite de l’OL contre le CNFE (le centre de Clairefontaine) où jouaient à l’époque Louisa Necib et Élodie Thomis (et aussi Sarah Bouhaddi, Laure Boulleau et Inès Dhaou). Bref Élodie Thomis peut se vanter d’avoir claqué un quadruplé à Hope Solo.