L’attente fut à peu près aussi longue que pour prendre un rendez-vous chez l’ophtalmo, mais elle est désormais finie : Aleix Vidal et Arda Turan sont des joueurs du FC Barcelone. Ils l’étaient déjà plus ou moins depuis cet été mais, interdiction de transferts oblige, ils ne participaient qu’aux entraînements et suivaient les matches en tribunes. Un peu comme Nicolas Douchez. Depuis début janvier, le club catalan peut officiellement recruter et ses nouveaux venus enfin fouler le pré. Et Luis Enrique ne s’est pas privé de les faire jouer sur les deux premières rencontres officielles de l’année 2016, leur montrant d’emblée qu’il comptait sur eux dans cette deuxième partie de saison. Il faut dire que leurs profils semblent parfaitement adaptés aux besoins barcelonais.

Avec deux larges victoires et des prestations individuelles en progrès, il n’y a pour l’instant rien à redire concernant l’intégration de l’Espagnol et du Turc. Même s’il n’ont pas joué en compétition officielle pendant six mois, ils ont tout de même eu tout loisir de se familiariser avec le jeu pratiqué et rester en forme. Pas grand-chose à dire pour l’instant, donc, si ce n’est confirmer tranquillement, face à des adversaires modestes (Espanyol et Grenade), l’apport qu’ils peuvent avoir. Car, s’ils sont là pour renforcer la profondeur d’un groupe très restreint – ce qui ne dérange pas trop un Luis Enrique qui fait très peu tourner –, ils ont les caractéristiques pour agrandir encore un peu plus la palette barcelonaise.

VIDAL, PORTRAIT ROBOT

Contrairement à Martin Montoya, désormais occupé à regarder les matches de l’Inter depuis le banc, Aleix Vidal est un joueur confirmé. Le Catalan – ce qui ne fait jamais de mal – n’a certes que soixante-neuf rencontres de Liga au compteur du haut de ses vingt-six ans, mais il a gravi les échelons un à un avec Almeria et reste sur une superbe saison avec le FC Séville. À l’image de Nolito, autre joueur courtisé par le Barça, il a explosé sur le tard mais stabilisé ses performances à un niveau suffisamment haut pour que l’idée d’un surrégime soit écartée. De là à pouvoir s’imposer à Barcelone ? C’est le projet à moyen terme, puisque Daniel Alves, l’emblématique latéral droit, a trente-deux ans. Et que, contrairement à Montoya par exemple, Vidal est un joueur largement capable de remplir les fonctions offensives du Brésilien.

Attaquant puis ailier ou meneur excentré, Aleix Vidal n’était, à Séville, qu’un latéral de substitution. Un joueur qui utilise ses qualités offensives en partant de plus bas quand c’est nécessaire, avant de retrouver une place plus avancée. Contre la Fiorentina, en demi-finale de Ligue Europa, c’est de cette position qu’il marque deux fois. Replacé plus haut à l’entrée de Coke, défenseur classique, il réussit une passe décisive pour Gameiro, seul en pointe. Un match référence qui met en avant ses multiples talents : pouvoir jouer en retrait et apporter le surnombre sans perdre ses qualités de finisseur, mais aussi être décisif via du jeu en déviation. Vainqueur de la dernière C3, le FC Séville était en effet l’une des équipes d’Europe les plus impressionnantes dans les combinaisons en une touche dans les vingt-cinq mètres adverse – avec moins de variété que Barcelone mais au moins autant de vitesse. Sans Vidal (et Carlos Bacca), c’est désormais beaucoup plus compliqué.

SON RÔLE A BARCELONE

De manière assez inattendue, en Catalogne, le besoin de latéral droit s’est estompé pendant l’automne. Longtemps banal au mieux, le genre de joueur qu’on fait entrer quand le match est plié (ce qui, contre le Real, fut presque pris comme du chambrage), Sergi Roberto y a réussi une étonnante reconversion, prélude à énorme passage de cap. Désormais utile partout ou presque, il a prouvé qu’il pouvait être intéressant en défense mais reste trop frais pour qu’on construise aveuglement autour de lui. Plus sûre, l’option Aleix Vidal permet dans un premier temps de reposer de manière plus régulière Dani Alves, dans un rôle légèrement différent de celui qui est l’un des meilleurs de l’histoire à son poste : un peu moins de débordements, un peu plus de retours vers l’intérieur. Une variation intéressante pour créer des supériorités numériques au milieu, chose que ne pourrait pas faire le très vertical Jordi Alba de l’autre côté.

Alors, condamné à être un numéro deux au poste de latéral droit, Vidal ? Pas forcément. Sa polyvalence autorise deux autres possibilités : milieu axial et attaquant droit. Là aussi, on est dans l’élargissement des armes d’un groupe et non dans une amélioration immédiate d’un poste. Il faut dire qu’avec Ivan Rakitic et Lionel Messi pour occuper les deux positions, il n’est pas évident de faire mieux. Mais, par séquences et dans l’idée d’une flexibilité tactique plus grande, l’expérience peut se tenter. À Séville, l’ancien de la Masia occupait un rôle hybride, proche de celui de meneur de jeu excentré – autant que puisse l’être un élément offensif d’une équipe privilégiant les attaques rapides. On peut donc l’autoriser à permuter sans trembler.

TURAN, PORTRAIT ROBOT

Fan de Barcelone, Arda Turan a réalisé son rêve assez tard dans sa carrière, à bientôt vingt-neuf ans. Il lui a en effet fallu un peu de temps pour arriver au très haut niveau, avec une progression façon escalator. Tranquillement, sans sauter de marche, il a gagné sa place à l’Atlético et en est devenu l’un des moteurs. Diego Simeone, qui insiste sur l’agressivité et change le degré d’implication de beaucoup de joueurs, n’a cette fois pas eu besoin de beaucoup pousser le sanguin turc. Mais il serait faux de ranger l’autre grand absent (avec Diego Costa) de la finale de la Ligue des champions 2014 dans la même case qu’un Gennaro Gattuso : Turan est avant tout un ailier talentueux, qui ajoute le volume de jeu aux inspirations, qu’elles soient par le dribble ou la passe.

À l’Atlético, équipe aussi à l’aise en 4-4-2 que désorientée dès qu’on lui rajoute un attaquant, il était un ailier classique. Positionné à droite, sur son pied fort, il alternait débordement et relais avec l’axe, provoquant beaucoup plus que Koke, son pendant à gauche, qu’on pourrait qualifier de meneur excentré. Et défendant beaucoup plus, aussi. Car c’était une particularité de l’équipe de Simeone : positionné dans l’entrejeu, Tiago est toujours un fin technicien mais son volume physique est tout juste suffisant pour répondre aux demandes de son entraîneur. Il faut donc le soutien de Gabi et qu’un joueur de couloir puisse se muer en récupérateur. Arda Turan, qui fut celui-là, est donc plus un milieu qui joue sur le côté qu’un attaquant d’aile, ces joueurs – citons Robben par exemple – que l’on retrouve dans beaucoup de 4-3-3 et dans les classements de buteurs.

SON RÔLE A BARCELONE

Même s’il a parfois joué haut, surtout quand Raul Garcia était plus milieu libre que deuxième attaquant, Arda n’est pas un attaquant et le voir à la place de Messi en attaquant droit serait un choix temporaire. On peut imaginer que la question se poserait en cas de blessure de l’un des trois de devant (c’est le cas de tous les scénarii impliquant un démantèlement du trio Messi-Suarez-Neymar) et face à un latéral gauche offensif. Presser Alaba ou Marcelo, le suivre et prendre les espaces dans son dos ? Pourquoi pas. Mais l’apport est évidemment au cœur du jeu. Contrairement aux Colchoneros, les Barcelonais jouent en 4-3-3 et ont besoin de milieux axiaux plutôt que de côtés – en possession du ballon, Alves et Alba, sont plus avancés que Busquets. Mais le Turc, qui occupait un poste de numéro huit excentré en phase défensive, connaît les contraintes du poste. Et le Barça a tellement le ballon qu’il devra même moins défendre qu’auparavant.

Sergio Busquets étant incontournable et sans réel équivalent au club, Turan bataillera avec Iniesta et Rakitic pour les deux autres places au milieu. A priori, son profil le rapproche plus du Croate, dont l’arrivée est la clé dans les succès de l’an dernier : maintenant que les trois joueurs offensifs sont des attaquants préservés du boulot de repli (ce qui n’était pas trop le cas de David Villa, Thierry Henry et bien sûr Pedro), le Xaviniesta d’époque serait trop léger. Il faut un travailleur pour stabiliser l’édifice. Rakitic, comme Turan, fait partie de ces quelques joueurs qui ont de la magie dans les pieds et un énorme moteur. La seule particularité du Turc est d’être habitué au côté plutôt qu’à l’axe, ce qui ne pose pas de grand souci à partir du moment où le jeu de position avec le ballon et la lecture du repli sans le ballon sont bien compris. D’autant que cela lui permet d’entrer avec facilité dans les crampons d’Andrés Iniesta, habitué à pencher – et même jouer – à gauche. L’Espagnol a un niveau technique de passe et de dribble dur à égaler, mais ce n’est pas parce que Turan a la gueule de Leonidas qu’il n’est qu’un guerrier. Comme Aleix Vidal, il représente ce qu’est le football moderne : la polyvalence au service du talent. Pouvoir se les offrir valait bien six mois d’attente.

Christophe Kuchly

6 commentaires

  1. Mr. Anderson dit :

    Daccord avec l’article. Les deux recrues permettent d’élargir la palette tactique blaugrana, montrant que Luis Enrique a une intelligence tactique et stratégique assez développée.

    Deux détails :
    -il me semble plutôt que Turan jouait majoritairement à gauche à l’Atletico, Koke occupant l’aile droite.
    -de ce qu’ai vu de Vidal, je le vois plus « débordements et percussions » qu’Alves, qui est passé maître dans les appels à l’intérieur et le jeu dans le dos de la défense et en profondeur.

  2. Christophe Kuchly dit :

    Pour moi Turan jouait à droite et les infographies d’époque semblent le confirmer, même si forcément tu me mets un petit doute, Koke rentrant sur son pied droit pour jouer meneur vers l’intérieur. Pour Vidal latéral, c’est un peu tôt pour le dire mais c’est vrai que Dani prend de plus en plus la profondeur, au point d’être parfois seul face au gardien à la réception de louches (et généralement il fait une passe en demi-volée vers un joueur lancé au lieu de tirer).

  3. Philippe dit :

    Comme l’article ne manque pas de le remarquer en toute fin, le football moderne, c’est à dire un football attrayant sera pratiqué par des équipes composées de joueurs polyvalents et peut-être bien que ce qualificatif est déjà dépassé. Je dirai par des joueurs qui jouent très bien au foot.

  4. Rivaldo dit :

    Excellent article. Mes félicitations et mes encouragements à l’auteur, je découvre aujourd’hui l’existence des cahiers du foot et, sérieux, c’est un vent de fraîcheur qui est entré dans ma vie. Bonne continuation à toute l’équipe. À bientôt !

  5. Johne5 dit :

    nasa, , harold hill ddacbddacgec

  6. loan discount dit :

    house buying…

    Les Dé-Managers : pour parler tactique, pas pour meubler. …

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