Deux foulées, trois bonds à cloche pied, et un géant qui s’effondre. Lésion musculaire de la cuisse droite. Blessé mercredi dernier, à la 67e minute de PSG-Chelsea, Zlatan Ibrahimovic pourrait être éloigné des terrains pendant plusieurs semaines. Une absence qui aura forcément des conséquences sur le plan tactique.

ZLATAN L’AMBIVALENT

Car si Zlatan est substituable poste pour poste, son apport dans le jeu parisien l’est beaucoup moins. Le Suédois est un maillon central de l’animation offensive du Paris Saint-Germain. Il en est le chef d’orchestre avancé et le finisseur. La source et la conclusion.

Ses statistiques illustrent cette ambivalence. Elles font d’Ibrahimovic le meilleur meneur de jeu de Ligue 1 ainsi que son meilleur attaquant de pointe. Le Suédois est en tête du classement des passeurs (onze offrandes) et des buteurs (vingt-cinq réalisations). Il est l’attaquant axial le plus impliqué dans la construction du jeu (47 passes par match en moyenne, vingt de plus que son premier poursuivant, Wissam Ben Yedder) et le joueur qui frappe le plus au but (5,1 tirs par match, deux de plus que son dauphin, Mustapha Yatabaré). Zlatan est enfin troisième en termes de « Key Passes », ces passes qui débouchent sur un tir d’un coéquipier: il en réalise 2,2 par match en moyenne, à peine devancé par deux « purs » meneurs de jeu, Mathieu Valbuena et James Rodriguez (respectivement 2,6 et 2,5 key passes/match).

Au-delà de sa contribution statistique, l’attaquant suédois apporte fluidité et liant au jeu parisien. Ses décrochages lui permettent de se retourner et d’organiser le jeu face au but adverse. Ils ouvrent également des espaces pour Cavani et Lavezzi, attirés par l’axe, qui libèrent à leur tour les couloirs pour les montées des latéraux. Blaise Matuidi en profite aussi pour se projeter vers l’avant.

Une fois le premier rideau défensif adverse effacé – généralement par la passe –, Zlatan est un point de passage presque obligé des offensives parisiennes. Relais indispensable, finisseur incomparable. Double face. Le chasseur de buts éclipse souvent la rampe de lancement. C’est pourtant dans ce dernier rôle qu’Ibrahimovic manquera certainement le plus au PSG.

ADAPTATIONS MICRO-TACTIQUES

« Même quand on change d’équipe, notre philosophie est la même. » À l’issue de la victoire contre Reims (3-0), samedi après-midi, Laurent Blanc l’a répété: les blessures et les rotations d’effectif n’altéreront pas le style de jeu parisien. Ce qui n’exclut pas des adaptations micro-tactiques.

Première conséquence de l’absence d’Ibrahimovic: Cavani, boudeur du couloir droit, retrouve son axe chéri. Avec une interprétation différente du poste d’avant-centre. « Cavani est un joueur de rupture, mais il peut aussi décrocher, assure Laurent Blanc. Certes moins qu’Ibra, parce que c’est moins son profil. » L’Uruguayen ne l’a d’ailleurs que rarement fait face à Reims. Mais il apporte des garanties défensives supplémentaires, par son pressing actif. L’Uruguayen a également parfois infléchi le style patient du PSG pour quelques phases plus directes, en prenant la profondeur. Un schéma qui pourrait se répéter à Londres face à une défense haute, qui laissera de l’espace dans son dos.

Une adaptation tactique est donc nécessaire pour combler le chaînon manquant liant milieu de terrain et attaque. Samedi, l’entraîneur parisien a opté pour un 4-2-3-1 inhabituel, avec Pastore en soutien de Cavani, à la fois pour profiter de l’état de grâce (relatif) de l’Argentin, faire tourner ses milieux (Matuidi, Verratti et Thiago Motta ménagés) et atténuer l’isolement prévisible d’El Matador en pointe, en intronisant un relais au cœur du jeu.

Évolution ponctuelle, efficacement neutralisée par Reims dans l’entrejeu via un marquage individuel sur le trio Cabaye–Rabiot–Pastore. « C’est là-dessus que l’on avait basé notre organisation sur le plan défensif, a confié Hubert Fournier, l’entraîneur rémois, après la rencontre. Ça a marché, Paris a eu des difficultés à se créer des occasions. » La flatteuse victoire parisienne (3-0) tient surtout à la supériorité individuelle des joueurs de couloir du club de la capitale. Le PSG a manqué de fluidité. Possession stérile, manque de mouvements et de solutions entre les lignes. Ibra était en tribune, mais son ombre a plané jusqu’au-dessus de la pelouse.

À MATUIDI ET LUCAS DE COMPENSER

À Stamford Bridge, ce mardi soir, Laurent Blanc devrait revenir à son 4-3-3 traditionnel. Une évidence tant il apporte au PSG la stabilité dans l’entrejeu et l’équilibre qu’il recherche. Mais contrairement à samedi après-midi, aucun relais avancé ne se dégage sur le papier. « Quand on joue en 4-3-3, un milieu peut aussi se transformer en numéro 10, souligne toutefois Laurent Blanc. Bien sûr, il faut un milieu technique, capable de faire les bonnes passes. Cela correspond mieux à Javier qu’à Blaise (Matuidi). Mais Blaise, même dans cette position, peut surprendre. Il peut le faire aussi. »

Composition probable du PSG à Chelsea.

Composition probable du PSG à Chelsea.

Les projections vers l’avant de l’ancien Stéphanois pourraient donc être le principal créateur de lien entre milieu de terrain et attaque. Le PSG n’aura pas forcément besoin de plus si la physionomie du match le conduit à évoluer principalement en contre, face à des Blues qui devront prendre le jeu à leur compte et emballer le match.

Sans Ibra pour faire la différence par la passe, Lucas, potentiel titulaire côté droit, devra lui le faire par le dribble. Il s’est régalé samedi après-midi, mais avec un Signorino dépassé au marquage. S’il est impliqué sur la deuxième des trois réalisations parisiennes, son apport se traduit toujours aussi rarement dans les statistiques. Laurent Blanc ne s’y trompe pas. « Lucas doit être plus constant dans ses performances et ses déplacements, parce qu’il a du feu dans les jambes. » Au Brésilien de le prouver face à Chelsea.

Julien Momont

6 commentaires

  1. Ouam dit :

    bon article, as usual.

    Petite coquille en revanche, vous avez deux Motta dans la compo et pas de Silva (ah, ces Thiago) !

  2. Adalberon dit :

    Il ne faut pas oublier que lors de ses derniers matches à Newcastle, Cabaye a évolué efficacement en soutien de Rémy, en n°10. Il pourrait être le joueur qui faut, car il est plus travailleur que Pastore et plus décisif que Verratti

  3. Louharse dit :

    Un article intéressant. Il semble en effet évident que l’absence d’Ibrahimovic va peser sur la construction du jeu, mais je trouve dommage que l’article ne s’intéresse qu’aux aspects offensifs de cet absence. En effet, je pense qu’elle pose beaucoup de nouvelle équations pour l’aspect défensif également.
    Déjà, Ibrahimovic est beaucoup moins actif au pressing que ne l’est Cavani, et si cela semble une évidence, je pense que ça aura son rôle à jouer dans le match car cela veut dire que Paris va pouvoir presser Chelsea beaucoup plus haut et mettre plus de pression sur la paire Terry-Cahill.
    Par ailleurs au match aller, l’activité défensive de Cavani sur le côté droit avait été importante et a surement contribué à museler plus efficacement Eden Hazard. Avec Cavani dans l’axe, je ne vois pas d’ailiers parisiens capable d’avoir le même impact défensif (à part Lavezzi peut-être, mais je le vois mal quitter le côté gauche).

    Qu’en pensez-vous? J’aimerais avoir votre avis sur ces points, merci d’avance!

  4. Julien M dit :

    Oui, je vais ajouter quelques lignes pour évoquer l’aspect défensif.

    Même si justement, je pense que Paris y gagne défensivement. L’absence de Zlatan ne pose pas vraiment de problème dans ce secteur. Et côté droit, Cavani n’a pas vraiment contribué à museler Hazard à l’aller, c’est plutôt la couverture des milieux de terrain (plus ou moins efficace), le Belge étant attiré vers l’axe. Et généralement, Lucas est plutôt discipliné défensivement.

  5. Florestan dit :

    Ce qui est fascinant avec ces statistiques c’est de voir combien, en donnant l’impression de peu se déplacer sur le terrain, Ibrahimovic occupe une surface énorme dans le jeu. Cela dit bien la qualité des passeurs autour de lui (par rapport à la moyenne de la L1). Ses coéquipiers le cherchent beaucoup, et ils sont suffisamment précis pour le trouver beaucoup aussi, alors qu’il ne lance pas des appels de fou comme ceux dont est capable Cavani. L’autre aspect évidemment est le physique hors norme d’Ibrahimovic, qui empêche les défenseurs d’intercepter les passes, voire les dissuade d’en tenter.

  6. Les Dé-Managers : pour parler tactique, pas pour meubler. » Blog Archive » CHELSEA - PSG : PATIENCE ET TRAHISON dit :

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