L’été dernier, le transfert de Mesut Özil à Arsenal, qui plus est pour 50 millions d’euros, a été l’une des grandes surprises du mercato. Les Gunners pistaient prioritairement un avant-centre. Les échecs des pistes Ba, Suarez et Higuaín tendaient, en outre, à démentir les intentions pour une fois dépensières d’Arsène Wenger.

Pour la petite histoire, un homme l’avait tout de même anticipé : Mark Arber. Une « jolie cote à 14 contre 1 », s’était-il gargarisé sur Twitter. Petit problème : son père, Bob, est recruteur pour le club londonien, et lui-même était coach à l’académie d’Arsenal. Était, car lorsque l’affaire a été révélée cette semaine, le club londonien a coupé les ponts.

LE BON PROFIL

Reste que, tout joueur de classe mondial qu’il soit, Mesut Özil n’était pas le profil de recrue attendu. Avec Ramsey, Wilshere, Cazorla, Rosicky et même Arteta, Arsenal semblait déjà suffisamment pourvu en petits gabarits vifs, techniques et mobiles dans l’entrejeu. « Mais Arsenal n’avait pas cet accélérateur dans les trente derniers mètres, sur le plan de la passe en tout cas, avance Florent Toniutti, auteur des Chroniques tactiques. Özil joue le plus haut possible. Derrière lui, il a des joueurs qui peuvent lui remonter le ballon en attaques placées. »

Ryan Chase, qui a suivi attentivement l’Allemand lors de son passage au Real Madrid, est du même avis. « Il n’aime pas décrocher pour demander le ballon. Il se déplace dans les espaces libres entre les trente et les dix-huit mètres adverses, sur la largeur. Redescendre dans le rond central, ce n’est pas vraiment son jeu. »

En Mesut Özil, Arsenal a donc récupéré un point d’appui technique hors pair, excellent dans les petits espaces, au cœur des défenses adverses. Un relais avancé de classe mondiale, avaleur d’intervalles et fluidifieur de jeu par le lien qu’il crée entre Giroud et les milieux plus reculés. Cette nouvelle donne a également joué dans le renouveau défensif des Londoniens. « Ramsey et Wilshere ont moins à s’éparpiller, parce qu’ils ont un vrai meneur devant eux », analyse Florent Toniutti. L’entrejeu des Gunners a donc gagné en stabilité et en efficacité sur les phases de transition défensive.

LA TÊTE DE L’EMPLOI

Arsenal est, avec Manchester City, l’équipe la plus « continentale » de Premier League. De quoi faciliter l’adaptation d’un joueur au style résolument latin. Les statistiques le prouvent : Özil est déjà le meilleur passeur de Premier League avec sept offrandes – dont une à City samedi après-midi, auxquelles s’ajoutent quatre buts. Il est sur les bases de ses cinq dernières saisons, toutes achevées avec quinze à vingt passes décisives. Personne n’a fait mieux dans les cinq grands championnats européens.

D’autres chiffres attestent de son influence et de son efficacité en tant que meneur de jeu. 64,7 passes par match en moyenne (huitième total de Premier League), dont 87,3 % réussies – remarquable compte tenu de sa position avancée -, 2,8 « passes clés »[1] par match, seulement devancé outre-Manche par les 3,8 de David Silva.

Au delà du meilleur équilibre tactique de l’entrejeu d’Arsenal, Mesut Özil a donc apporté sa qualité individuelle, dans un championnat qui lui convient finalement bien. « En Premier League, il y a beaucoup de jeu de transition, et là, Özil est injouable, juge Florent Toniutti. Dans le jeu en mouvement, il est peut-être le meilleur joueur du monde, dans son registre. Mais il est aussi capable de faire la différence en attaques placées, sur une passe ou un dribble. »

THE FLYING GERMAN

Surtout, et c’était attendu, son arrivée a fait franchir un cap, sportif comme psychologique, aux Gunners, leaders du championnat anglais. « Cette saison, tout le monde a un peu haussé son niveau de jeu », note Florent Toniutti. Pour l’entraîneur et blogueur anglais Matthew Whitehouse, l’Allemand aurait même comblé un vide persistant depuis sept ans, et la retraite d’un certain « non-flying Dutchman »[2] . « En quelques semaines, Özil a déjà prouvé qu’il avait la faculté d’influencer et de galvaniser un club qui, pendant des années, a manqué de ce genre de joueurs. La marque des grands est d’influencer et de rendre meilleurs les joueurs autour d’eux, et le meneur de jeu allemand l’a certainement fait. Mesut Özil a le potentiel pour être ce que Dennis Bergkamp fut pour Arsenal. »

Mais les bienfaits psychologiques de l’arrivée du meneur éclos à Schalke 04 et révélé au Werder Brême sont réciproques. Car si son positionnement et son comportement sont globalement les mêmes qu’au Real Madrid, son statut est supérieur, sorti de l’ombre de Cristiano Ronaldo. « Psychologiquement, mentalement, il est plus libéré, il y a plus d’attention autour de lui, explique Ryan Chase. On sent le joueur en totale confiance, on sent que ses coéquipiers travaillent pour lui. »

PAS LE REGARD DU TUEUR

Tout n’est évidemment pas parfait. Özil pèse peu défensivement. Moins d’un tacle par match (0,9) en moyenne, à peine 0,2 interception. À titre de comparaison, c’est moins qu’Olivier Giroud (1 tacle et 1,5 interception par match).

Autre faiblesse : son nombre de buts marqués. « Il n’a pas vraiment le but dans son jeu, indique Ryan Chase. C’est un joueur plus enthousiasmé à l’idée de faire une super passe décisive que de marquer un but. Il lui manque la détermination et l’envie de faire la différence par le but. » Mesut Özil n’a ainsi jamais dépassé les neuf réalisations par saison en championnat.

Dépourvu d’attaquant tueur, Arsenal pourrait en pâtir. En début de saison, Aaron Ramsey a compensé et profité des brèches ouvertes par Özil et Giroud. Un modèle qui semble trop fragile sur le long terme.

Julien Momont

Lire aussi : L’Özil du désir

1- Les passes clés sont des passes qui débouchent sur une frappe au but.
2- « Le Hollandais non-volant », référence à la phobie de l’avion de Dennis Bergkamp ainsi qu’au surnom de Johan Cruyff, le « Hollandais volant ».

13 commentaires

  1. Mendy85 dit :

    Ce joueur est un des derniers créateurs dans le monde du football actuel; quelle grâce, quelle joie de le voir jouer, il fluidifie le jeu comme on peut le voir à Arsenal, fluidité que l’on ne retrouve plus dans le jeu du Réal Madrid bien que cette équipe continue de gagner. Tant mieux pour Arsenal.

  2. Hugog dit :

    Un peu rapide comme analyse, notamment sur son impact au niveau mental. On pourrait plus voir Flamini comme responsable du surplus de hargne des gunners, surtout que niveau mental, les matchs contre les deux manchester ont tendance à prouver que les gunners n’ont peut être pas vraiment franchi un palier. Ils semblent faire ce qu’ils faisaient déjà, bien dominés les petites équipes, des coups dans les matchs européens (à Dortmund notamment), mais encore une faiblesse sur les matchs sous pression, notamment en championnat.
    Sur l’aspect tactique on peut également noter qu’Arsenal n’a cette saison presque jamais jouer avec deux vrais ailiers. Donc on n’a pas vraiment vu Özil en meneur de jeu vraiment central avec 3 joueurs à offrir des solutions devant lui, pour l’instant il est plus à permuter en permanence avec les deux joueurs excentrés, ce qui ne sera pas forcément son rôle toute la saison.

  3. Armandinõ dit :

    C’est le nouveau??

  4. Georges T. Newman dit :

    Excellent article, c’est trop rare de lire des analyses sur la façon dont un joueur peut changer le jeu d’une équipe en étant exactement ce qui lui manquait. Ce recrutement est bien plus que le simple ajout d’un top player, c’est vraiment plus que ça, et si Arsenal vient à remporter la PL on en aura la preuve. Les passages sur l’influence d’un joueur offensif dans la stabilité défensive d’une équipe (et le rayonnement d’un joueur comme Ramsey) est très éclairant de ce point de vue.

    La comparaison avec Silva est juste, parce qu’ils sont tous les deux des pièces permettant de faire fonctionner l’ensemble. Cependant les stats plus flatteuses de l’Espagnol viennent surtout du fait qu’il joue dans une équipe au jeu plus direct qu’Arsenal. Comme tu le dis à la fin, Arsenal produit du jeu mais offensivement ils ont parfois des difficultés à concretiser parce qu’il n’y à pas assez de joueurs qui se lancent devant. Quand Wenger aligne 5 meneurs/passeurs, il n’y a que Giroud qui a spécifiquement la tâcher de marquer, et seulement Ramsey qui propose une autre solution.

    En revanche je suis surpris par les stats défensives d’Ozil, parce que j’ai le souvenir d’avoir lu une remarque de la part de son père disant qu’il faisait trop de travail défensif. C’était sous Mourinho évidemment, mais je pensais que c’était dans l’esprit du joueur aussi.

  5. Julien M. dit :

    @Hugog : Sur l’effet psychologique d’Özil, il n’était pas tant question de hargne – clairement du domaine de Flamini – que de prise de confiance. Pour une équipe à qui l’on rabâche à tort et à travers son absence de titres depuis huit ans, cela me semble crucial.

    Sans grande modification d’effectif, Arsenal apparaît aujourd’hui bien plus sûr de sa force, certes malgré des contre-performances contre des gros (sans systématiquement faire de mauvais matchs pour autant).

    Quant au placement d’Özil, son jeu le fait naturellement dézoner vers les couloirs, difficile de l’imaginer s’arrêter même avec deux « vrais » ailiers. C’est en tout cas son rôle pour le moment, et il le remplit très bien.

    Le retour de Podolski changera peut-être la donne, mais ce n’est pas garanti que ce dernier soit titulaire.

  6. MyPremierLeague dit :

    Bon papier, messieurs.

    Néanmoins, une petite remarque : il se trouve qu’Özil décroche en réalité énormément cette année pour venir chercher les ballons. On le retrouve régulièrement à hauteur de Ramsey et/ou Arteta/Flamini. Il apporte une solution dans la création, souvent en point d’appui pour remonter le terrain plus rapidement.

    See ya soon

  7. ballackoumar dit :

    le point faible d’Ozil, ses qu’il a tendance à passer à côté des grd rdv, il lui se petit grinta la gnak, et plus quelques buts pr prétendre un jour au ballon d’or.

  8. haussekar dit :

    A la lecture de ce très bon article, j’ai néanmoins une question :

    De par sa capacité à être le joueur de transition entre l’attaque et le milieu de terrain, à réaliser un grand nombre de passes clefs et son espace de jeu relativement fixe (selon vous, vu que MyPremierLeague vous conteste ce point), Özil peut il être défini comme un « enganche » ?

    Merci de votre réponse

  9. Numa_Mann dit :

    Il faut théoriser plus pour comprendre l’effet Özil. Jusqu’à ce choix Wenger n’avait pas compris la notion fondamentale du jeu. Le jeu c’est ce qui fait vivre un couple, une famille, une équipe, une entreprise, une organisation, un pays. Ses règles sont intangibles : en gros le jeu doit produire de la liberté, du désir, du plaisir avec un grand sens du devoir. Aussi seuls certains joueurs en détiennent les clefs par leur disponibilité, vision, abnégation, justesse technique, art du déplacement, sérieux, créativité, exemplarité, etc. Pour introduire du jeu chez Arsenal, il fallait donc un des rares représentants du jeu.

  10. monsieuradan dit :

    pas mal de choses à retenir de ce joueur :
    – un élément galvanisateur de par son arrivée, arsenal manquait cruellement depuis un bon moment d’un patron taille XXL en milieu; chose faite, et comme ça à été souligné, son poste est en complémentarité avec le profil des ramsey & consorts.

    Et je pense que pour les plus jeunes que lui, comme ramsey & wilshere par ailleurs, ça doit sans aucun doute les pousser à se dépasser. La preuve avec l’efficacité monstre de Ramsey.

    Donc en plus d’apporter à arsenal ce que n’importe quelle équipe aimerait avoir, à savoir un n°10 à l’ancienne, il rend meilleurs les autres autour de lui, et ça c’est un excellent atout. Preuve en est, plus personne n’a voulu vendre un attaquant au profil de tueur des surfaces;

    Pour ce qui est du joueur lui même, on peut lui reprocher ce qui est détaillé dans l’article, mais pour ce qu’il sait déjà faire, il le fait avec un tel brio, qu’on se passerait de lui donner des consignes de repli défensif

  11. ju dit :

    Manquerait un tout petit truc à Arsenal pour tout claquer cette saison : un défenseur de classe mondiale. En disposant d’une colonne vertébrale world class, Arsenal aura tout.
    Déjà qu’ils sont pas mal comme ça…
    Depuis le transfert d’Özil, j’ai gavé tous mes potes avec ce pari : Championnat et LDC pour Arsenal cette année. Et un petit billet sur le Ballon d’Or à Özil s’il nous fait une grosse coupe du monde..

  12. ballackoumar dit :

    Özil ses l’un des meilleurs joueurs au monde mes son problème ses qu’il n’utilise pas énormément don potentiel.

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