Pep Guardiola n’invente rien, il prend des modèles existants et les détourne, expérimente dans le but de les sublimer. Avec succès souvent, même si sa jeune carrière d’entraîneur l’a toujours mise dans les conditions avantageuses d’avoir un groupe de grande qualité. Pourtant, depuis le début de saison, le Bayern tâtonnait, et si son équipe gagnait relativement facilement la bataille de la possession, le jeu se résumait souvent à de longues phases de possession suivies de centres sur la tête de Mandzukic. Un pis-aller, un aveu de faiblesse démontrant les limites du jeu au sol. Suffisant pour gagner la plupart du temps certes, mais loin des standards de jeu beaucoup plus pragmatiques et efficaces de Jupp Heynckes. La victoire face à City sonne pourtant comme une alerte : la patte Guardiola est en train de prendre et le Bayern a ce qu’il faut pour emmener encore plus loin le tiki taka.

TAPER DU POING SUR LA TABLE

On est à la fin du mois de février 1989. Monaco, entraîné par Arsène Wenger, se prépare à affronter Galatasaray en quart de finale de Coupe des clubs champions. Une rencontre qui promet d’être serrée même si Weah, Puel et les autres ont de bonnes chances d’aller loin dans la compétition. En préparant ce double affrontement, Wenger regarde jouer l’AC Milan de Sacchi, l’un des favoris de l’épreuve. Puis il revient vers son staff et leur lâche, en substance :
« on peut oublier » (Wenger, racontant l’anecdote en anglais, utilise l’expression « forget it »). Certains entraîneurs ayant vu City-Bayern doivent sans doute avoir le même genre de pensées défaitistes. D’ailleurs, pour la petite histoire, Milan avait terminé la compétition par un 5-0 contre le Real en demi-finale retour et un 4-0 contre le Steaua en finale tandis que Monaco avait été sorti par les Turcs.

Car ce qu’a fait le Bayern dans cette rencontre est une vraie démonstration de force. Une représentation à la Nadia Comaneci, où l’adversaire n’existe que pour mettre en valeur vos mouvements, à l’image d’un équipier lançant le ballon dans un concours de dunks. Sauf que cet adversaire se nomme Manchester City et joue à domicile. Forcément, dans un début de saison où même les leaders des différents championnats ont des failles, ça vous pose un favori.

LA CITY A FAIT FAILLITE

Avant de s’enflammer, il faut d’abord situer les limites de l’analyse. Celles de l’adversaire et de sa tactique en l’occurrence. Car Manuel Pellegrini, excellent coach au demeurant, est passé à côté de sa rencontre. Son 4-4-2 avec Fernandinho et Yaya Touré au cœur du jeu était battu d’avance face aux trois milieux axiaux du Bayern, empêchant alors Touré de poser le pied sur le ballon, percer et mettre en bonne position ses joueurs offensifs.

Avec deux ailiers qui ne travaillent pas beaucoup défensivement et deux attaquants de pointe, la maîtrise du ballon est nécessaire et la clé du match se situe au niveau de ces récupérateurs. En effet, ni Agüero ni Dzeko n’ont les qualités pour venir renforcer le milieu et mener le jeu, ce n’est d’ailleurs pas leur rôle. En l’état, un 4-4-2 submergé dans l’entrejeu condamne ses ailiers à chasser les montées des latéraux adverses et isole complètement les attaquants : soit ils redescendent près de leurs milieux et perdent tout poids offensif, soit ils restent en place mais un trou de 30 mètres se fait avec le reste de l’équipe. En cela, le passage en 4-2-3-1 en fin de partie, avec le travailleur Milner sur le côté et Silva dans l’axe, a pu rééquilibrer le jeu tout en exploitant la fatigue allemande après 80 minutes de pressing.

FOOTBALL TOTALITAIRE

La faiblesse de l’adversaire mise à part, le Bayern a réussi l’une des parties les plus abouties de ces dernières années. Au-delà du score, c’est la maîtrise qui interpelle, cette faculté à limiter au maximum les variables pouvant transformer une victoire en défaite. Bien entendu, la réduction du risque commence par la possession. Avec 66% sur le match, un total qui a baissé dans les derniers instants, on arrive dans des chiffres assez impressionnants pour un choc européen, qui plus est à l’extérieur. Mais, et c’est là que c’est intéressant, celle-ci ne s’est pas avérée stérile : 20 tirs, 3 buts, 1 poteau… Pour une équipe qui menait 3-0 à l’heure de jeu et a donc contrôlé par la suite, c’est beaucoup.

Cela pourrait sembler paradoxal, mais cette démonstration, le Bayern l’a faite sans attaquants. Là où Mandzukic devenait rapidement la valeur refuge d’une équipe qui ne savait pas comment contourner l’adversaire, son absence du onze a obligé ses partenaires à être plus créatifs. Avec Thomas Müller en pointe, Guardiola est allé encore un peu plus loin dans son idée de football sans attaquants. Si Messi, et Totti avant lui, ont des vraies attitudes de buteurs, ce n’est pas le cas de Müller. Il possède certes un excellent instinct offensif, comme Pedro ou Hamsik par exemple qui savent toujours où va revenir le ballon et sont très efficaces, mais il n’a rien d’un numéro neuf traditionnel en dehors de sa capacité à jouer très honorablement en remises. Parfois point de fixation quand les Allemands ont alterné avec du jeu long, il a passé le reste du match à permuter avec le reste de l’équipe. Un maelström submergeant l’adversaire et qui est allé jusqu’à propulser Rafinha en pointe sur du jeu placé.

LAHM D’UN HÉROS

Avec Müller, Kroos et Schweinsteiger, le Bayern possède un trio de milieux polyvalents à l’extrême dans la verticalité. Dans une équipe qui a la possession, ils peuvent jouer à la récupération comme à l’animation, Müller sublimant le tout en étant également capable d’occuper les ailes. En plus d’avoir un milieu en triangle avec une pointe vers le bas, comme dans un traditionnel 4-3-3 avec un récupérateur et deux animateurs, il y a aussi un triangle avec une pointe vers le haut qui implique alors ce faux numéro 9 qui, au pressing, est le premier défenseur de son équipe.

Où l'on voit que tout le monde joue quasiment sur la même ligne côté allemand.

Ce surnombre au milieu de terrain permet à Lahm d’évoluer tranquillement en numéro 6, false 6 même dans certains cas, sans que son inexpérience à cette place ne se remarque. Quand il y a une telle domination au milieu et que l’adversaire ne parvient pas à prendre les ailes, le récupérateur le plus en retrait peut se contenter d’orienter le jeu et venir apporter des solutions au porteur de balle en phase offensive puis boucher les trous en phase défensive. Philipp Lahm, présenté par Guardiola comme le joueur le plus intelligent qu’il ait eu sous ses ordres, remplit alors parfaitement la mission, son expérience à droite comme à gauche permettant aussi de venir facilement combler les montées de Rafinha et Alaba. Deux latéraux qui jouent quasiment ailiers, faisant basculer leur équipe en 2-8-0.

L’HISTOIRE COMMENCE

Impossible de faire de ce match un chef d’œuvre abouti et du Bayern une équipe invincible. Le pressing constant demandé par Guardiola présente des risques de fatigue physique en fin de rencontre, Manchester City a très mal joué le coup et montré les failles de l’adversaire une fois ses problèmes tactiques résolus et, plus généralement, on sent que cette équipe a encore une marge de progression. Il n’en reste pas moins que le Bayern est en train de devenir plus guardioliste que jamais, une équipe de milieux de terrains protéiformes qui a pour seul principe général la maîtrise du jeu.

Avec Thiago et Javi Martinez indisponibles au milieu et Götze en reprise, en plus de Mandzukic qui vampirise le jeu mais qui est essentiel depuis qu’il est arrivé au club l’an dernier, Münich possède un nombre d’armes absolument hallucinant. Les seules vraies inquiétudes peuvent se situer en défense, avec un banc limité et des titulaires pas toujours sereins, à l’image de Boateng, pris de vitesse par Yaya Touré et expulsé. L’expérimentation de Lahm au milieu, qui permet à Rafinha de jouer, peut ainsi être vue comme un moyen de mettre en confiance l’un des latéraux remplaçants de l’équipe, tout en gardant à l’esprit qu’un joueur comme Alaba, qui n’a sans doute aucun équivalent actuellement, apparaît irremplaçable. En l’état, sur son vécu, son potentiel et sans dépendre d’un joueur en particulier, la machine semble pourtant avoir encore plus d’armes et d’options que l’an dernier. On n’ira pas jusqu’à dire « forget it » aux autres engagés, mais on leur souhaite « good luck ».

Christophe Kuchly

Note : Le jeu de possession en triangle illustré en vidéo

24 commentaires

  1. Bakou9 dit :

    Le bayern a affectivement affiché un visage impressionnant hier soir. Les 35 premières minutes virent même les bavarois afficher un niveau de jeu stratosphérique rarement atteint ces dernières années.
    S’il est évident que son jeu diffère grandement de celui de l’année dernière (au passage je trouve que « pragmatique et efficace » est un peu réducteur pour qualifier le Bayern de Heynckes), je trouve que l’on va vite en besogne en le qualifiant de tiki taka. Pour être honnête, il semble même que le Bayern Guardiola a la possibilité de devenir meilleur que le Barça 2009-11. Car cette équipe semble effectivement parti pour conserver le ballon la majeure partie du temps, elle semble prête à le perdre en tentant de trouver de la verticalité.
    D’ou le fait que la domination soit moins stérile (tout est relatif hein…) que celle du Barça. La présence de Ribery et Robben, qui n’hésite pas à provoquer balle au pied, n’y est surement pas pour rien.

    En tout cas, c’est sur que ce Bayern parait quasi sans failles.

  2. Silkman dit :

    Superbement intéressant !

    Petite correction éventuelle : remplacer « variantes » par « variables » ?

  3. Pigale dit :

    Article très agréable. Mais comment on peut décemment expliquer que le Bayern, hier, a joué sans attaquant avec Thomas Muller en pointe ??? Faudrait quand même pas nous expliquer que Thomas Muller est un milieu. Il a été « cantonné » à droite dans le système de Heynckes pour le bien du collectif aveec les longues blessures de Robben, mais Thomas Muller a toujours été un attaquant de pointe, certes reconverti, mais un vrai attaquant axial quand même !!! Il n’a rien d’un joueur de dévordement comme Ribery ou Robben ce qui lui permet de finir les actions souvent dans la surface !!! Le Bayern a donc bel et bien joué avec un attaquant hier.

  4. Christophe Kuchly dit :

    Bakou9 : C’est assez réducteur mais beaucoup de choses ont été dites sur le Bayern de l’an dernier, j’ai mentionné deux qualificatifs pour dire de ne pas oublier le prédécesseur sans trop m’écarter du sujet. Sinon je trouve à titre personnel que c’est un dépassement du tiki taka. Mais, malgré tout, et la possession le confirme, la philosophie de jeu de Guardiola reste. Il a simplement plus d’armes à disposition et peut faire ce qu’il espérait avec Zlatan notamment, à savoir alterner jeu court et long.

    Silkman : Tu as raison c’est plus pertinent, j’ai édité. Je dois avoir fait une retraduction du mot anglais comme je fais parfois avec versatile.

    Pigale : Là on ne trouvera pas de compromis. Ce n’est pas un ailier, on est d’accord, mais pas non plus un attaquant de pointe. Müller est un milieu offensif qui peut jouer second attaquant mais sans plus. Les matches où il est attaquant se comptent sur les doigts d’une main. Et souvent, comme sur ce match, il n’occupe pas réellement le poste, preuve en est le graphique StatZone où on voit qu’il joue juste devant Kroos et plus bas que Robben. Mais tu as tout à fait le droit d’être en désaccord avec moi sur ses qualités.

  5. Tricky dit :

    Radek, la question derrière est comment on fait contre ça ?
    (Je ne plaisantais qu’à moitié avec mon WM)

  6. Christophe Kuchly dit :

    J’avoue très humblement être meilleur pour analyser que pour faire des projections. Je pense que l’idée de WM est très honnête. Contre ce Bayern-là, celui qui mise vraiment sur la relation entre les milieux et la multiplication de jeu en triangle sur tout le terrain, il est inutile de jouer la possession et compliqué de vouloir relancer court.

    La faiblesse de cette équipe c’est la défense : elle est toujours dégarnie, avec seulement les deux stoppeurs + le numéro 6 qui joue très bas, et ces deux axiaux sont très enclins à faire des bourdes. Dans l’absolu, l’idéal c’est de pouvoir récupérer le ballon pas trop bas et lancer des ailiers dans la profondeur. Ca suppose qu’ils ne s’usent pas à pourchasser les latéraux et donc de mobiliser beaucoup de monde pour défendre (ou prier pour que le Bayern rate ses situations d’égalité numérique). Pourquoi pas imaginer une sorte de 5-1-1-3 par exemple : une défense qui couvre toute la largeur, un chien de garde pour essayer de perturber un minimum le meneur de jeu adverse et permettre de ne pas jouer trop bas, un relayeur pour lancer les attaques et une base offensive classique à trois comme celle qu’on voit dans un 4-3-3.

    En tout cas, j’ai une certitude. Ne pas se livrer dans les duels, abandonner la possession, permet de finir la partie plus fort. Si une équipe laisse le Bayern se fatiguer et arrive à la 75e à 0-0 ou même 0-1, tout est jouable. Contre une équipe fatiguée, le 4-2-3-1 fonctionne. Dès le début du match je suis plus sceptique.

  7. Ikki dit :

    Merci pour cet article, très intéressant.

    Pour ma part, ce qui me « choque », c’est la déclaration de Guardiola sur Lahm. Joueur le plus intelligent, lorsqu’on a eu un Xavi sous ses ordres, je ne sais pas… Mais s’il le dit… Je ne suis pas un très grand fan de Guardiola, tant au niveau du style de jeu que des déclarations, mais je ne peux nier son palmarès !

    Un autre point que je ne comprends / partage pas trop, c’est l’impossibilité de jouer la possession face à cette équipe. Ils pressent tous ensemble, vite, haut et bien, c’est certain. Mais, comme remarqué, ils ne savent pas non plus bien défendre. Alors certes, il faut résister au pressing, mais je ne vois pas en quoi cela est injouable. En revanche, je pense que cela présuppose de sortir des schémas classiques (type 442 433 4231), très utilisés et qui rendent le pressing haut « facile » (ce type de système est tellement connu qu’au final, on sait souvent quelles sont les possibilités de chaque joueur en terme de passes, ce qui rend plus facile la récupération). Ce n’est pas donné à toutes les équipes, mais je pense que, sur le papier, certains clubs ont les joueurs pour battre le Bayern à la possession.

    Enfin, sur la faiblesse des défenseurs… C’est certains que le Bayern n’a pas les deux meilleurs stoppeurs du monde. Mais, souvent, les stoppeurs d’une équipe jouant la possession ou l’attaque sont considérés comme « mauvais » (je caricature) là où les plus grands défenseurs jouaient dans des équipes plus prudentes. A la décharge de Boateng et Dante, il est plus facile de défendre lorsqu’on a deux vrais milieux défensifs devant soient que lorsqu’on en a aucun… Pour défendre (comme pour presser d’ailleurs), il faut anticiper ce que va faire l’adversaire et cela nécessite donc d’avoir beaucoup de joueurs intelligents défensivement pour bien couper toutes les trajectoires possibles. Pas sûr que des Robben ou Ribéry entrent dans cette catégorie. Du coup, cela met aussitôt une forme de fragilité sur la défense et celle-ci est surtout visible sur les centraux, qui « payent » le manque de travail devant (travailler pour presser haut, ils veulent bien, descendre pour défendre, c’est autre chose).
    Pour faire un parallèle à la con, le rugby et son 15. C’est celui dont les ratés défensifs sont les plus flagrants et du coup, c’est souvent celui qui « prend ». Mais en réalité, il ne devrait jamais intervenir et donc ne jamais prendre le risque de se rater, s’il n’y avait pas déjà eu des ratés de la part des joueurs placés plus haut…

  8. Merwan dit :

    Pour ceux comme quoi qui n’ont vu aucune image du match, il y a cette séquence de 3min qui illustre vraiment « la relation entre les milieux et la multiplication de jeu en triangle sur tout le terrain ».

    https://vimeo.com/76069786

  9. lebowski dit :

    Je n’ai malheureusement pas vu le match, donc je ne sais pas comment City s’y est pris en 1e mi-temps (notamment au niveau de l’implication défensive des ailiers), mais je voulais réagir à l’assomption que le City avait perdu d’avance en jouant un 4-4-2 face à un 4-3-3 que je trouve un peu péremptoire.

    L’article explique très bien que la bataille de la possession est perdue d’avance, mais l’option de jouer en contre persiste toujours.

    Pour prendre quelques exemples: Paris a abandonné la possession au Barça, fait jouer ses ailiers très bas et leur a fait remonter le ballon balle au pied par des longues percées. (Les caractéristiques des 4 joueurs offensifs des Citizens ressemblent beaucoup à celle des 4 fantastiques du PSG: un meneur excentré, un ailier classique, un grand devant associé à un 9 1/2 dévoreur d’espaces)

    Toujours face au Barça, le Bayern évoluait en 4-2-3-1, mais Muller et Mandzukic étaient souvent sur la même ligne en phase défensive et ils ont montré que l’option d’un pressing fort était parfaitement viable.

    Je note aussi que beaucoup avaient expliqué le fiasco de la Juve face au Bayern par le 3-5-2 versus 4-2-3-1, alors que la Juve avait fessé Chelsea dans ce système.

    Bref, le jeu des formations lui a assuré la maitrise du ballon, mais c’est sa capacité à presser haut qui a permis au Bayern d’étouffer toute initiative Citizen. C’est précisément ce qui a manqué au Barça l’année dernière et c’est ce qui explique qu’il ait autant été mis en difficulté tout au long de la compétition.

  10. Raphaël Cosmidis dit :

    @Ikki : tu as raison sur le besoin de sortir des schémas classiques. En amical il y a quelques semaines, le Chili a vraiment embêté l’Espagne en jouant très haut en 3412. Le 1-2 de devant a permis aux Chiliens de bloquer la relance espagnole qui s’organise habituellement à trois joueurs, les deux défenseurs centraux et le milieu le plus bas.

    Résultat, les Espagnols ont dû balancer de nombreux ballons pour éviter une cagade.

  11. Didier Rousté dit :

    Très intéressante la brève analyse du positionnement de Lahm en false 6 / true 6 / latéral gauche et droit. A quand un article sur son jeu?

    La possibilité de placer un latéral polyvalent en false 6 me paraît excellent pour pouvoir laisser les latéraux monter l’esprit libéré.

  12. Georges T. Newman dit :

    @lebowski: la différence entre PSGvBarça et CityvBayern c’est dans le comportement défensif et dans la relance. Ancelotti avait donné des consignes très précises à ses attaquants pour le travail défensif, et de plus le Barça avait tendance à privilégier un jeu axial avec une progression du bloc plus lente. Pour City, Aguero et Dzeko ont été incapables d’empêcher la relance adverse, et ils n’ont pas les qualités d’un Ibrahimovic pour mener la relance. Ce sont deux attaquants qui sont au bout de la chaîne offensive, là où les attaquants du PSG savaient garder le ballon et le faire circuler.

    Ensuite, le pressing du Bayern était sans commune mesure avec celui du Barça, ajouté au fait que leurs joueurs de couloir incite plus au jeu direct, et mettent la pression sur les latéraux. Et pour finir, la paire Fernandinho/Touré n’officie pas tellement dans le registre de Motta/Verratti, ce qui complique encore les problèmes de City en milieu de terrain.

    La comparaison est intéressante, mais au final surtout pour mettre en relief la bonne tactique d’Ancelotti à l’époque, qui avait constitué son équipe pour laisser le ballon, alors que Pellegrini se s’attendait pas à mon avis à le toucher si peu.

  13. C. Moa dit :

    N’ayant pas l’occasion de souvent voir le Bayern, je me demande ce qu’Alaba a de si particulier : son rôle, ses qualités intrinsèques, ..?

    Si vous avez l’occasion d’y répondre, soyez assurés que je repasserai la lire !

  14. Jer dit :

    Question de béotien : pourquoi conclut-on que l’on ne peut pas gagner la possession contre cette équipe? Est-ce à cause de leur organisation (mais alors une autre équipe peut l’adopter également) ou de la qualité des joueurs?
    Et puisqu’on dit la même chose du Barça, je me dis que si les 2 équipes jouent l’une contre l’autre, il faudra bien que l’une au moins n’ait pas de possession excessive.

  15. lino dit :

    Analyse très intéressante comme toujours ici. Juste une idée possiblement farfelue :
    Guardiola, comme il l’avait fait au Barça, transforme le football en handball selon moi (pas exactement mais dans l’idée) : avec des joueurs suffisament techniques, tu ne peux pas perdre le ballon dans ta possession, toute l’équipe attaque en possession et défend en défense.

    Donc pour battre ça il faut s’inspirer du hand (que je connais incroyablement mal). La limite c’est qu’en hand, les deux équipes perdent très rarement la balle en possession. Donc la tactique Mourinho (très dur en défense, très rapide en attaque) continue à me paraitre la seule possibilité pour battre ses équipes, sauf dans le cas du barça (encore assez guardiolesque)voire de Dortmund. Vivement un Bayern Barça !!

  16. Christophe Kuchly dit :

    @lebowski : Je crois que Newman t’a parfaitement répondu. Le 4-4-2 d’Ancelotti fonctionnait, à la fois grâce aux consignes et qualités des joueurs, celui-ci pas du tout.

    @ikki : Pour la possession, c’est un double problème. D’abord, il n’y a quasiment aucune équipe au monde qui a les moyens de rivaliser avec le Bayern au milieu. Ensuite il faut voir pour quoi faire du ballon. Si le but est de gagner la bataille pour la possession juste pour le geste, c’est pas très utile. Les équipes de Guardiola arrivent généralement à forcer l’adversaire à ne pas engager la lutte pour éviter de se cramer inutilement. C’est un peu ce que dit Pellegrini après le match : au mieux ils auraient pu gagner 5 pourcents de possession mais ça aurait demandé beaucoup pour pas grand-chose. Sur les défenseurs, je comprends évidemment la logique de ton raisonnement, mais je pense objectivement que Boateng et Dante sont bons mais pas extraordinaires. Même sur du jeu placé, dans des matches assez équilibrés, ils peuvent se trouer (les 2 l’ont fait sur deux finales de LDC de suite).

    @Didier Rousté : C’est plus ou moins en réflexion, l’un des membres du trio est très fan de Lahm en récupérateur. De mon côté je trouve ça bien vu dans ce cas précis mais dangereux si le vent tourne et que ses compères du milieu prennent l’eau parce que ce n’est pas lui qui sauvera la baraque. L’idée de couvrir les latéraux depuis l’axe est en tout cas quelque chose qui me semble entièrement nouveau.

    @C.Moa : Alaba est une sorte de Jordi Alba amélioré (je ne dis pas ça pour la proximité homonymique). Pour résumer grossièrement, c’est un ailier qui joue défenseur mais formé suffisamment tôt pour éviter les bourdes. C’est-à-dire qu’il est extrêmement solide derrière et possède les qualités offensives du latéral moderne. Il suffit de voir les statistiques et l’influence de Ribéry depuis qu’il joue avec Alaba derrière lui et profite de ses constantes montées. Comme en plus il est plutôt doué techniquement et tactiquement, ça donne le joueur parfait. En sachant évidemment que les réserves éventuelles sont sur sa capacité à défendre, il ne va pas perdre sa capacité à accélérer et centrer comme cela. Mais comme il n’est jamais coupable de grand-chose malgré son très jeune âge…

    @Jer : C’est assez simple. Déjà, Guardiola veut le ballon. Il suffit que l’adversaire décide de lui laisser et c’est gagné. Si l’adversaire le veut aussi, il faut qu’il puisse le conserver, c’est-à-dire ne pas jouer trop bas, avoir du temps et la qualité technique pour éviter les passes ratées. Le pressing permet d’enlever du temps à l’adversaire et l’obliger à se replier. Ce sont les règles de base de Cruijff avec notamment celle des 5 secondes (récupération 5 secondes max après la perte de balle). Sachant que, généralement, passer un premier pressing violent libère le terrain et donne envie de faire une attaque rapide. Pour gagner la possession face à un tel adversaire, il faut pouvoir résister au pressing par la passe, comme le fait Barcelone quand, en phase défensive, ça relance en une touche entre les défenseurs. En résumé : envie d’avoir la balle, qualité technique, physiques aussi, et bien entendu système de jeu avec des gens au milieu dans l’axe, où se déroule la majorité du jeu et sont facilitées les transmissions. En pratique, aucun coach ou presque ne prend le risque de contester la possession à une équipe avec laquelle il semble impossible de rivaliser.

    @lino : Sachant que le handball possède le refus du jeu, à savoir l’obligation de déclencher des attaques après une bonne vingtaine de secondes, et que le jeu consiste à former un mur et casser les attaques adverses par des petites fautes quand celui-ci a une faille pouvant être exploitée. La tactique Mourinho se vaut, tout comme celle consistant à envoyer du jeu et espérer être plus réaliste (plus difficile à mettre en place et osée). En sachant que la machine que je décris dans l’article est parfaite ou presque, dans les faits chaque équipe rate des prestations, c’est sa marge sur le reste qui détermine les conséquences de ses ratés. Refuser le jeu limite autant les chances de perdre que de gagner selon moi dans la mesure où ça teste moins les éventuelles failles de l’adversaire. Mais bon, dans l’absolu il est assez rare qu’une équipe énorme puisse se désintégrer si on la secoue un peu.

  17. Roger dit :

    La possession est difficile à gagner face à ce Bayern, déjà parce qu’ils appliquent les principes de Guardiola (pressing haut, rapide et intensif, phases de conservation en tiki-taka, etc. comme le montre la vidéo postée en commentaire) et surtout parce que leurs milieux/attaquants sont d’une extrême polyvalence : Kroos, Schweinsteiger, Lahm, Ribéry, Müller (sans parler d’Alcantara et Javi Garcia) sont techniquement exceptionnels mais ont en plus un physique et une capacité de récupération que n’ont pas par exemple la plupart des milieux du Barça. A ce niveau-là ça me semble supérieur à tout ce qu’on a vu jusqu’à présent.

    Ca me fait penser à Prandelli qui disait admirer beaucoup Ribéry car c’était pour lui un des premiers parmi ces ailiers modernes (type Ronaldo, Robben, Götze, etc.) à « allier qualité et quantité », talent technique et dépense physique sans vraie perte de lucidité, avec une capacité à multiplier les efforts, en phase offensive comme défensive, et notamment une grosse présence au pressing. Ca pourrait caractériser la plupart des milieux du Bayern.

    Sinon, pour jouer au jeu de la projection, je ne crois pas pour autant qu’il faille dégarnir son milieu de terrain pour fournir l’attaque, dans l’idée d’abandonner la possession et de jouer la contre-attaque. Ca me paraît le meilleur moyen de ne pas voir le jour, et c’est globalement ce qu’a tenté City, avec comme résultat des attaquants totalement isolés (ce que montre l’article). Sans pour autant chercher à regagner la possession, il faut au contraire chercher à harceler le milieu du Bayern, à faire autant de récupérations de balle que possible, histoire de briser la fluidité de ce milieu, ses changements de jeu, sa circulation de balle rapide qui fait craquer à un moment ou à un autre l’équipe adverse. C’est plus ou moins ce qu’a fait Mourinho au Real pour battre le Barça.

    Si on reprend l’exemple du PSG, l’équipe me paraît bien dotée pour justement empêcher une circulation de balle trop facile au sein du milieu du Bayern. Avec Matuidi, Motta, Verrati, + Motta et Marquinhos, il y a là aussi des joueurs polyvalents, très bons à la récupération, au placement et à l’anticipation, capable de casser le rythme adverse (je crois vraiment que le danger, face aux équipes de Guardiola, c’est de laisser s’installer le rythme). Et c’est en même temps des joueurs très justes techniquement, capable de conserver la balle un certain temps et surtout de faire des relances rapides vers les attaquants en sautant la première ligne adverse. Sans même changer les titulaires actuels de l’équipe, il serait possible de faire redescendre Ibrahimovic en 10 pour densifier le milieu (un peu comme face à Benfica), en espérant que le sire veuille bien participer au pressing, et mettre Cavani-Lavezzi en duo d’attaque. Un 4-3-1-2 en somme, qui permettrait à la fois de gêner le milieu adverse et de jouer à fond la contre-attaque. Après le problème serait un manque d’occupation des ailes, mais face à ce Bayern, je pense que c’est plus efficace de chercher à sauter très vite les lignes et de jouer dans le dos de la défense que de chercher les débordements.

    Bon toutes ces élucubrations n’empêchent pas que face à un tel Bayern, je ne donne pas une chance au PSG sur un match aller-retour, et pareil pour n’importe quelle équipe européenne, à moins d’une défaillance physique de l’adversaire. A la limite le Bayern peut se faire battre en finale.

  18. Matt dit :

    Article interessant, comme d’hab…

    Je me demandais si vous comptiez un jour bosser un jour à l’envers.
    A savoir au lieu de décortiquer un beau jeu, essayer de comprendre pourquoi une équipe joue mal malgré des intentions du coach. Et soumettre quelques solutions?

    A voir…

  19. Leo dit :

    Sur la vidéo de 3 minutes de possession, outre le manque de pressing de City (les milieux reculent pour maintenir deux lignes derrière le ballon sans presser, au mieux un mec sort presser ce qui fait qu’il est facilement éliminé par un une-deux ou un triangle), c’est l’absence d’appels en profondeur qui me chiffonne. Les appels sont presque systématiquement fait en décrochant pour solliciter le ballon dans les pieds.

    Alors certes, c’est à la 66ème, le Bayern vient de mettre 2 buts en 5 minutes et il y a 0-3, ça peut expliquer à la fois la passivité de City qui a pris un bon coup de bambou et celle du Bayern qui ne veut pas se faire mal à remuer le couteau dans la plaie mais c’est une différence majeure avec le Barça de ces dernières années où des joueurs comme Pedro, Dani Alvés, Alba ou Villa font ou faisaient des appels de rupture de 20-30m, principalement sur les côtés, et poursuivaient leur effort qu’ils soient servi ou non pour embarquer leur défenseur(sur la vidéo, les 2-3 timides appels en profondeur du Bayern sont coupés dès que la passe est adressée à un autre joueur).

    Est-ce que le Bayern joue comme ça d’habitude cette saison ?

    J’imagine que Robben et Ribéry demandent principalement les ballons dans les pieds, non ? Des milieux proposent-ils ce genre d’appel ? Ou Alaba ?

  20. Parmenio dit :

    L’idée de « surclasser/surpasser » (« outplay » exprimerait mieux l’idée), la meilleure équipe est tentante. En l’état, je ne pense pas qu’une équipe peut « jouer » et battre ce Bayern là (le Barça version 2009/2011).

    Pour gagner, je pense qu’il faut admettre que récupérer la balle au delà de 35m est quasi-impossible. En possession, le Bayern a 10 joueurs (9 en éliminant Mandzukic s’il joue pur avant centre) disponible pour participer au jeu (faire tourner la balle entre la ligne médiane et l’entrée de la surface adverse). Au contraire l’équipe qui défend à 2 à 4 joueurs de cloués (les deux centraux et dans une moindre mesure les latéraux). Dans toute cette phase de jeu, même avec un excellent pressing, au vu de la qualité technique des joueurs du Bayer, il y aura toujours une solution ; pas forcément vers l’avant, pas forcément de nature à créer un déséquilibre chez l’équipe qui défend mais toujours de nature à prolonger la conservation de balle.
    Malgré ça, éliminer 2/3 joueurs, attaquants, en vu d’une possible contre attaque ne me paraît pas une bonne solution. Cela rend ouvre trop d’espace dans le cœur du jeu et avec des joueurs pareils, capable de combiner dans de petits périmètres mais également de frapper de loin, ça ne pardonnerait pas (même si Hart n’est pas inoubliable dessus, le but de Ribéry est l’illustration parfaite). Il semble que répondre au Handball par du Handball est quand même une très bonne solution pour défendre dans ce genre de confrontation. Encore faut il jouer la zone de bonne manière, assez bas pour réduire les espaces et en ne suivant pas le porteur de balle(on peut imaginer deux lignes de 4 et un ‘milieu libéro’ entre qui coordonne/compense dès qu’il le faut). C’est bête à dire mais les défenses de hand en 5-1 ou 4-2 sont vraiment le meilleur exemple de ce système ; au football je pense que les Chelsea/Barça et Inter/Barça sont les meilleurs exemples. Très peu de fautes, très peu d’espaces et malgré tout cela pas mal de chances…

    @Christophe Kuchly: Je suis tout à fait d’accord sur le fait que ça limite les chances de succès ET de défaites mais ça me semble du coup pas mal adapté à la Champions où l’on peut se qualifier sans gagner.

    @Jer: s’il y a Barça/Bayer que se passe-t-il? L’année dernière la réponse a été plus physique que tactique selon moi. La capacité du Bayern à jouer un football total était largement plus forte ainsi on avait une équipe où (quasi) tous les joueurs attaquaient et défendaient (le Bayern) et une autre pour laquelle tous les joueurs étaient impliqués dans les phases de jeu mais une partie seulement dans les phases de défense. Un peu comme dans du foot salle pour ceux qui ont l’habitude; dès lors qu’un ou deux joueurs est cramé l’équipe adverse, le score défile.
    Aussi je pense que la question physique est assez cruciale. Ce football total(itaire) demande quand même énormément de mouvement autour du porteur de balle et une équipe défendant en zone abordant les 10 dernières minutes à égalité ou avec un seul but de retard pourrait profiter de sa ‘relative’ fraîcheur physique pour s’imposer.

    @Roger, j’aime bien ton analyse sur le cas parisien. Sur le plan de l’attaque, on pourrait avoir Zlatan jouant un rôle de attaquant/pivot (à la Drogba), capable de récupérer et transmettre de longue relance rapide après la récupération de la balle et ainsi lancer Lavezzi/Lucas capable de se projeter et de conduire la balle suffisamment rapidement pour se trouver en position très dangereuse.

  21. Ludos dit :

    Excellente analyse sur cet article.
    ça fait très longtemps que je n’ai rien lu d’aussi bien.

    J’ai un peu halluciné sur la possession de bayern par moment et je comprends mieux pourquoi.

  22. C. Moa dit :

    Merci Christophe pour cette réponse, je regarderai plus attentivement si j’en ai l’occasion. Avec un « tuteur » comme Lahm, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il puisse continuer à progresser.

    Merci également à celui qui a posté l’impressionnante vidéo. Malgré tout, j’ai du mal a aimer ces équipes qui monopolisent le ballon coûte que coûte. On retrouve souvent de longues phases totalement stériles, qui ont pour seul but de faire circuler le ballon, et événtuellement, tenter une passe décisive* si l’occasion se précise.

    * pour moi, une passe décisive n’est pas forcément la dernière avant le tir.

  23. Migou dit :

    zonalmarking.net a livré une analyse sacrément proche, tout en étant moins « dythirambique » sur Bayern et plus critique sur le 4-4-2 de Pellegrini.

    http://www.zonalmarking.net/2013/10/02/manchester-city-1-3-bayern-munich-bayern-dominate-midfield-through-numbers-pressing/

    Pour ce qui est du jeu en triangle, je me souviendrais toujours du passage de Louis Van Gaal au Barça, fin des années 90.

    Il parlait de son 4-3-3 comme d’un 2-3-2-3, en multipliant au maximum le nombre de triangulations possibles sur le terrain.

  24. Les Dé-Managers : pour parler tactique, pas pour meubler. » Blog Archive » TROIS SINGULARITÉS TACTIQUES DU BAYERN dit :

    […] S’il peut faire évoluer le sens du triangle de son entrejeu, Pep Guardiola ne déroge que rarement de son organisation générale en 4-3-3. Ce qui caractérise le technicien catalan, ce sont ses micro-changements tactiques adaptatifs en cours de match, en fonction de ce que lui oppose l’équipe adverse et du scénario. Objectif: “limiter au maximum les variables pouvant transformer une victoire en défaite”. […]

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