Ainsi pagayait Marama
Passe en retraite - Marama Vahirua met un terme à sa carrière. Champion de France 2001, il restera comme un joueur attachant capable d’actions audacieuses et de buts exceptionnels.
Marama Vahirua annonçant qu’il met un terme à sa carrière, c’est un peu la complainte du temps qui passe. Cela fait donc déjà plus d’une décennie que le Tahitien trimballe sa fine silhouette et son visage d’ange sur les pelouses de l’hexagone, et qu’il plante ça et là quelques buts spectaculaires, qu’il n’oublie pas de célébrer en mimant son geste fameux des rameurs polynésiens.
Semer la pagaie
Son nom nous ramène irrésistiblement au printemps 2001. Le FC Nantes accroche une huitième étoile à son blason et voit encore l’avenir avec sérénité. L’équipe dirigée par Raynald Denoueix vient de réussir un époustouflant final, huit victoires consécutives qui ont laissé ses principaux poursuivants à plat. Un an après avoir joué son maintien sur un match, le club nantais remporte le championnat et son entraîneur n’est pas peu fier de rejoindre ses illustres prédécesseurs dans la légende. Son équipe joue un football plus pragmatique que ses devancières. Elle n’en préserve pas moins une image fidèle à l’idée qu’on se fait du club: un jeu collectif tourné vers l’offensive, un effectif en majorité composé de "formés au club" (Landreau, Ziani, Savinaud, Gillet, Berson, Da Rocha, Monterubio, Olembe…) auxquels s’ajoutent des recrues dénichées dans les sous-divisions (Carrière, Armand) et quelques éléments d’expérience (l’Argentin Fabbri, le Roumain Moldovan, Nicolas Laspalles…).
À vingt-et-un ans, Marama Vahirua n’est pas tout à fait titulaire dans cette équipe, plutôt un joker de luxe qui deviendra héros. Plus la saison s’avance, et plus l’attaquant tahitien assume parfaitement son rôle: Il inscrit un but à chaque entrée en jeu ou presque. Même le très cartésien Raynald Denoueix s’en sert comme d’une baguette magique pour régler les rencontres mal embarquées. Toutes compétitions confondues, Vahirua engrange quinze buts, dont celui du 1-0 décisif contre Saint-Étienne qui donne leur titre aux Canaris. Pour parfaire le tout, "Tahitigoal" se met à fêter ses réalisations en mimant le geste des pagayeurs – au départ un simple clin d'œil aux amis du pays, qui se transformera en geste de victoire de tous les Nantais le soir des festivités du titre.
Un joueur rare
Marama Vahirua apparaît en première division en fin de saison 1998/99: déjà une entrée en jeu, contre Le Havre. Son nom n'est pas inconnu: Il est le cousin de Pascal Vahirua, l’ailier international d’Auxerre. Son prénom ne laisse pas indifférent non plus, qui signifie "la lumière" en langue maorie.
Car Marama Vahirua est bien un de ces footballeurs d’où jaillit la lumière. Un joueur capable à tout moment de tenter un dribble audacieux, de marquer un but époustouflant, de transformer un match ennuyeux en une belle soirée. On peut lui reprocher un peu d’inconstance, de n’avoir pas le goût du combat, de manquer de physique, il reste un joueur précieux, de ceux qui donnent encore envie de retourner voir un match de foot. Son premier but pro, il l’inscrit lors d’un match de Coupe UEFA contre Arsenal, fin 1999. Son premier but en D1 viendra contre Le Havre au cours d’un match de dernière journée que le FC Nantes doit impérativement remporter pour ne pas descendre en deuxième division. En 2001, Marama Vahirua est à la une des journaux, en joueur symbole du huitième titre du FC Nantes.
Le Tahitien a évolué jusqu’en 2004 dans le club nantais. Il aurait dû y consacrer toute sa carrière, tant ses déplacements, son altruisme et son culot correspondait à l’image du club. Seulement, c’est le club lui-même qui – se détachant de cette image, soi-disant surannée – estima n’avoir plus besoin de joueurs comme Marama Vahirua.
Lumière tamisée
On retrouve le Tahitien à Nice, où l’entraîneur Antonetti le positionne avec succès en meneur de jeu. Puis à Lorient, où il anime à merveille le système de Christian Gourcuff. Le choix de Nancy, ensuite, est sans doute une erreur. La discipline défensive du coach Pablo Correa ne peut correspondre à l’esprit joueur de Marama, lequel ne s’adapte finalement jamais. Il est prêté à Monaco, pour une saison en Ligue 2, où il croise d’ailleurs son club d’origine. Puis dispute une ultime année dans un obscur club grec, Panthrakikos.
En juin 2013, Marama Vahirua va connaître une consécration inattendue pour la fin de sa carrière. L’équipe de Tahiti, vainqueur surprise de la Coupe d’Océanie des nations, doit participer à la Coupe des Confédérations au Brésil. Elle fait alors appel à son joueur âgé de trente-trois ans. Les règlements le lui permettent, car celui-ci est vierge de sélections en équipe de France – Vahirua a seulement joué six rencontres avec les Espoirs. Ainsi, celui qui en 2005 fut désigné meilleur joueur océanien termine sa carrière par trois matches internationaux dans de prestigieux stades brésiliens. Trois matches assez cauchemardesques, il est vrai (trois défaites, 24 buts encaissés). Mais un véritable bonheur de voir les joueurs tahitiens, sur leur seul but du tournoi, reprendre le célèbre geste de leur capitaine. Celui-ci ne pouvait rêver plus beau clap de fin.
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